L'asile accordé, lundi, par les autorités d'Alger à certains membres du clan El Gueddafi — il s'agit, d'après le communiqué du ministère des Affaires étrangères, de la seconde épouse de Mouammar El Gueddafi, Safia, sa fille Aïcha,et deux de ses fils, Mohamed et Hannibal, ainsi que leurs enfants — a suscité une levée de boucliers des responsables du Conseil de transition libyen (CNT). D'un ton menaçant, ces derniers ont multiplié, sur les plateaux des chaînes satellitaires, des déclarations incendiaires. Les «raisons strictement humanitaires», invoquées par la diplomatie algérienne, sont loin d'avoir convaincu un CNT de plus en plus courroucé par la vraie fausse neutralité d'Alger. Plus qu'un geste inamical, la décision de l'Algérie est perçue comme un acte «d'agression» manifeste. «C'est un des actes d'agression dirigés contre le peuple libyen», a déclaré mardi, sur Al Jazeera, Mahmoud Chemam. «Quiconque s'aviserait d'accueillir les membres du clan El Gueddafi devient de fait un ennemi du peuple libyen», avertit le porte-parole du CNT à Tunis. Quelques heures auparavant, Mahmoud Chemam disait ne pas «comprendre» le geste d'Alger et menace de… rompre les relations diplomatiques avec l'Algérie. «Nous voudrions que ces criminels reviennent et nous emploierons tous les moyens réglementaires pour ce faire», a-t-il dit. «L'Algérie a dit qu'elle avait offert un passage à la famille d'El Gueddafi pour aller dans un pays tiers, nous ne pouvons confirmer, mais ils ont dit qu'ils les avaient accueillis pour des raisons humanitaires», a-t-il précisé. «Nous pouvons assurer, ajoute Chemam, à nos voisins que nous souhaitons avoir les meilleures relations avec eux (...), mais nous sommes déterminés à arrêter et à juger la famille d'El Gueddafi et Mouammar El Gueddafi lui-même.» Plus pondéré, Moustapha Abdeljalil, président du CNT, a d'abord rappelé, mardi, qu'il n'existe «aucun accord d'extradition» entre la Libye et l'Algérie, mais les relations entre les deux peuples, a-t-il estimé, sont «beaucoup plus nobles pour qu'elles soient tributaires du sort de ces personnes.» «Nous essayons de rapprocher les points de vue avec le gouvernement algérien, assure le président du CNT, parce qu'entre nos deux peuples, il n'existe aucun différend et je ne pense pas que l'Algérie protégera des individus tout en sachant qu'ils constituent une menace pour la Libye et qu'ils sont de surcroît demandés par la justice internationale et la justice libyennes.» Fathi Al Baâdja, président de la commission politique du CNT, a tenté d'atténuer la virulence des propos anti-algériens émis notamment par les porte-parole du CNT et des forces rebelles, en l'occurrence le colonel Ahmed Omar Bani, qui menaçait, dimanche, Alger de «répondre de son attitude à l'égard de la rébellion libyenne.» Ces derniers expriment, d'après Al Baâdji, des «opinions personnelles». «Quand bien même ces opinions traduisent le sentiment le plus répandu dans la rue libyenne, elles ne reflètent pas la position officielle du CNT exprimée par son président. Je rappelle, à ce titre, que Abdeljalil a accepté de rencontrer, en marge de la réunion de la Ligue arabe, le ministre algérien des Affaires étrangères. Le CNT veut élargir sa base de soutien et n'est pas dans une phase qui lui permet d'accentuer les contradictions avec des pays frères, des pays voisins avec qui nous partageons une profondeur historique et stratégique indéniable. C'est cette position que le président du CNT a réitérée aujourd'hui (mardi) en invoquant ce qu'il a qualifié de ‘‘penchant humanitariste'' de l'Algérie contrainte et forcée à accueillir les El Gueddafi», a souligné Al Baâdji dans une déclaration à Al Jazeera.