Ce recueil de poésies n'est que la trace rudimentaire et posthume de toute une kyrielle d'aèdes, de poètes très souvent anonymes dont la magie réveille et réfléchit l'âme et la vie de la société berbère de Kabylie en particulier, de la société humaine en général. » C'est ainsi que Boualam Rabia entame l'introduction de son livre de 250 pages, Florilège de poésies kabyles, rédigé dans deux langues, français et berbère. Invité par l'association Si Mohand U'Mhand, section de Bouzeguène, l'auteur du Viatique du barde a d'abord présenté une communication dans laquelle il a expliqué, avec art et modestie, l'épopée « d'une sagesse archaïque, une voie samaritaine qui parle et prolifère dans un beau discours qui ignore les profanes, dans laquelle chacun se reconnaît ». M. Rabia a mis plusieurs mois pour regrouper n'est-ce qu'une toute petite partie d'un patrimoine culturel berbère consacré depuis des siècles, sinon des millénaires, et transmis oralement par des aèdes - hommes et femmes - et qui se révèle être une archive « vitale », « une somme d'âmes issues de la même source socioculturelle ». L'ouvrage de Boualem Rabia est d'une rare beauté, il est à ajouter à cette somme de recherches effectuées ici et là par d'autres auteurs qui ont fouiné dans les tréfonds de l'âme d'un peuple. Il tiendra lieu de mémoire collective. « Toute cette kyrielle de poésie, révèle Boualem, elle a été recueillie en partie par mon aïeule maternelle, mes tantes et quelques autres femmes de mon village qui ont bien voulu nous passer le flambeau, cela n'a pas été facile, car chez nous une femme ne se confie pas facilement et foncièrement à un homme. » L'auteur insiste pour dire et souligne que « sans les femmes, il n'y a point de culture ». Cette culture que les aèdes transmettent et que les femmes préservent en les répétant dans les fontaines (lieu de rencontre des femmes), dans les moments de joie (mariages) et de tristesse (morts). « Les femmes sont porteuses d'une moisson miraculeuse qu'elles ont arrachée au brouillard de l'oubli, qu'elles sont porteuses d'une poésie, d'une essence collective humaine qui nous protège contre l'automatisation, contre la rouille qui menace notre formule de l'amour et de la haine de la réalité et de la réconciliation, de la foi et de la négation. » Boualem Rabia pense qu'il faut davantage prendre en charge notre culture, l'apprendre à nos enfants. « C'est notre culture qui a donné saint Augustin et bien d'autres. » Boualem regrette que les nouveaux médias d'aujourd'hui ne participent pas au développement de la culture amazigh. « Ils font plutôt de la paupérisation par cet excès de folklore ! » Au sommaire du Florilège de poésies kabyles, des « poèmes sur l'amour » dans les styles « izlan » et « Issefra ». Des poèmes sur la vie, des poèmes sur la mort (religion et guerre) et divers poèmes attribués à Malous, dit Si Ali Ousmaïl de Hendou. Florilège de poésies kabyles. Edition de l'Odyssée, Tizi Ouzou, 250 pages. Prix : 300 DA.