La Turquie a manifesté hier sa colère de manière spectaculaire. A l'égard de l'ONU d'abord, et de son rapport relatif à l'attaque israélienne contre une mission humanitaire destinée à la population palestinienne de Ghaza. Ankara n'en a pas accepté les termes. Chose inhabituelle, c'est le chef de l'Etat turc qui est sorti de la réserve, sa fonction plutôt honorifique qui s'en est chargé. C'est ainsi que Abdullah Gül a déclaré que le rapport en question est «nul et non avenu pour nous». En ce qui concerne ensuite les relations entre la Turquie et Israël en crise depuis cette attaque, et qui ont franchi hier une nouvelle étape avec la décision d'Ankara d'expulser l'ambassadeur israélien à Ankara et de suspendre tous ses accords militaires avec l'Etat hébreu. C'est le nouveau volet de la crise entre les deux pays liés depuis 1996 par un accord militaire stratégique, véritable baromètre dans ces relations marquées depuis trois années par une série de coups de gueule, comme ce fut le cas au sommet de Davos quand le Premier ministre turc n'a pas ménagé le président israélien, et l'année dernière lors de l'agression israélienne contre une flottille principalement turque, chargée d'aide pour la population de Ghaza soumise à un effroyable blocus israélien depuis 2007. Aussi spectaculaires soient-elles, les mesures annoncées hier par le chef de la diplomatie turque ne sont pas les plus extrêmes, puisqu'il n'y a ni rupture, ni annulation des accords en question. La Turquie avait annoncé début septembre qu'elle mettrait en œuvre son «plan B» de sanctions contre Israël, si ce pays s'obstinait à ne pas s'excuser à la suite de l'attaque israélienne qui avait coûté la vie à neuf Turcs et particulièrement ému le monde. Pourtant, l'ONU vient de se montrer d'une extrême indulgence à l'égard d'Israël en considérant que cette attaque était excessive, encore que, selon elle, il s'agit d'opération. Rien n'est laissé au hasard dans ce rapport accueilli plutôt favorablement par Israël, ce qui allait de soi, puisque le texte va encore plus loin dans cette espèce de complaisance en reconnaissant la légalité du blocus naval israélien, alors même que l'attaque largement condamnée à travers le monde s'est déroulée dans les eaux internationales, ce que le rapport se garde de nier. Ainsi donc, l'ONU perd de vue ses propres repères, en acceptant un rapport qui fera date dans les relations internationales, malgré les rapports de ses différentes missions rapportant de quelle manière Israël utilisait l'arme alimentaire, et aussi les conséquences dramatiques de ce blocus. «La décision d'Israël de prendre le contrôle des bateaux avec une telle force, à grande distance de la zone du blocus et sans mise en garde préalable, était excessive et déraisonnable», conclut l'enquête onusienne, menée par l'ancien Premier ministre de Nouvelle-Zélande, Geoffrey Palmer. Ce document ajoute néanmoins que la flottille, composée de six bateaux, «a agi de façon imprudente en essayant de forcer le blocus naval» mis en place autour de Ghaza, mais l'auteur du rapport semble omettre qu'elle n'a pas franchi cette ligne. Plus grave que cela, lit-on dans ce rapport, «Israël fait face à une menace réelle contre sa sécurité de la part de groupes militants à Ghaza», renvoyant étrangement aux déclarations israéliennes occultant le rapport occupant-occupé. Et de poursuivre dans cette même logique en affirmant que «le blocus naval a été imposé en tant que mesure de sécurité légitime de façon à empêcher l'entrée d'armes dans Ghaza par la mer et sa mise en œuvre respecte les exigences du droit international». Israël s'en est félicité, car c'est certainement la première fois dans les annales de l'ONU qu'un rapport reconnaît à Israël le droit à la légitime défense, alors même qu'il y a occupation par Israël de territoires, ce qui rend cette fois, légitime la lutte des Palestiniens pour le recouvrement de leurs droits nationaux. Quant au blocus, tout le monde sait qu'il a été imposé à la suite de la victoire électorale du Hamas en 2006, et afin de punir les Palestiniens pour leur choix.