La culture du stand-up fait son petit bonhomme de chemin dans le milieu théâtral oranais. Preuve en est avec ce nouveau spectacle de l'humoriste Mohamed Yabdri, écrit par Mustapha Adnani, et qui répond au titre tout simple : «Stand-up Mohamed».Ce spectacle connaît un certain succès auprès du public puisqu'il a fait salle comble les quelques fois où il s'est produit au Théâtre régional d'Oran. Mohamed Yabdri, pendant plus d'une heure, nous parle tout simplement de notre vécu, de notre réalité. Il prend plaisir à décortiquer le portrait de ses semblables, et cela avec un humour poignant, décalé, et très à l'algérienne. L'humoriste jubile tout simplement, en mettant l'accent sur des thèmes sociétaux, et cela en prenant le public à témoin, l'impliquant même parfois dans une sorte de discussion ouverte. Une véritable exploration de la société algérienne, celle des réseaux sociaux notamment, mais encore celle des cités-dortoirs, et des toilettes publiques, qui sont pour la plupart ou dans un piteux état, ou alors carrément inexistantes. On sent d'ailleurs deux influences majeures, celle de Fellag pour ce qui est du choix des thèmes, et celle de Gad El Maleh pour ce qui concerne la gestuelle et la mimique.Par ce spectacle, Mohamed Yabdri s'essaye en une nouvelle forme d'humour, encore inexploitée dans le milieu théâtral algérien, celle de la «provoc» et du politiquement incorrect. Il prend un malin plaisir, tel un Guy Bedos, à user de ce rire «coup-de-poing», et cela à la grande joie du public. De ce fait, ses galéjades, parfois «trash», n'épargneront personne, pas même les institutions, les partis politiques, ou les personnalités publiques. «J'ai un ami qui est membre du Hamas, dira-t-il, sur Facebook, il n'a que trois amis : moi… et les deux autres sont ses frères !» Il raille Bilal Mais celui qui en a véritablement pris pour son grade est assurément cheb Bilal. On ne sait pas si l'humoriste a été traumatisé par les chansons de Bilal, mais une chose est sûre, tout au long du show, des petites «piques», parfois taquines, mais jamais insultantes, sont lancées à l'adresse du chanteur : «Bilal est une menace qui se vend en CD. Ses chansons ne doivent pas se vendre dans les rayons disques, mais avec les produits détergents !» Le public ne comprend d'ailleurs pas cet acharnement «comique» sur le chanteur Bilal, mais il le prend tout de même au second degré et rit de bon cœur. Allant encore plus loin dans le côté provocateur, il ne manquera pas de tourner les non-dits et les tabous, telles les femmes en burqa, et taxe certaines d'entre elles du joli sobriquet de «kinder surprise». Bien sûr, la drague à l'algérienne a eu également son lot de taquineries, et les gars pratiquant la «gabration» (à l'affût) ont tout simplement été tournés en ridicule.Pour tout dire, même des sujets graves, comme celui des terroristes, sont passés à la sellette. Bien sûr, tout n'est pas au top en ce stand-up, on sent parfois l'humoriste meubler ses sketchs par des jeux de mots faciles, comme «nos toilettes publiques sont dans un tel état qu'il ne s'agit plus de baïte el raha, mais baïte el riha !» Mais l'essentiel étant que l'ensemble du spectacle soit novateur et d'une drôlerie féroce.