Le dernier numéro de la très sérieuse revue Naqd, que dirige l'historien Dahou Djerbal, consacré à la Palestine, ne pouvait tomber mieux en cette période caractérisée par l'impasse du processus de paix au Proche-Orient, mais surtout la maladie de celui qui symbolise le plus la haine du Palestinien, de l'Arabe : Ariel Sharon. « Palestine, les clés d'un conflit » propose lucidement un regard historique, politique et sociologique d'un conflit qui pollue les relations internationales. Des universitaires de renom, à l'image de Gilbert Meynier, Illan Pappe et Ivan Iverkovic, des politiques, comme Mustapha Barghouti, et des historiens et sociologues, à l'instar de Roger Heacock, explorent les profondeurs de la question palestinienne avec recul et loin des pesanteurs. Un seul trait commun à cette grille de lecture. « Le refus des auteurs de l'injustice qui caractérise aujourd'hui la situation du peuple palestinien et de la souffrance qui lui est infligée », comme le souligne à juste titre Abdelhafid Hamdi Chérif dans sa présentation de l'ouvrage. Un ouvrage complet qui invite d'entrée le lecteur à un voyage dans le temps pour situer la genèse de ce conflit dont le commencement était la fameuse déclaration de Lord Balfour en 1917 comme prélude au plan onusien de partage de 1947. Gilbert Meynier fait dans son exposé un survol de près d'un siècle d'histoire, jonché de guerres, de répressions et de reniements. Illan Pappe, de l'université de Haïfa, explique le fait accompli en choisissant un titre évocateur pour son chapitre : « Israël, un Etat dans le déni ». L'universitaire passe en revue les péripéties du combat palestinien via « l'Intifada » depuis 1948 à nos jours en s'attardant notamment sur la « nakbah » que les Occidentaux et l'Etat hébreu s'entêtent à reconnaître. « Le déni de la nakbah en Israël et en Occident a été conforté par la négation totale des Palestiniens en tant que peuple », écrit-il en effet. Noha Tadros Khalaf, chercheur universitaire, nous propose un panorama des courants idéologiques au sein du mouvement sioniste en mettant en relief les variations des stratégies politiques vis-à-vis du peuple palestinien. « Aucun mouvement politique ne contient en son sein autant de contradictions sociales et idéologiques que le mouvement sioniste », professe-t-il. Mustapha Barghouti, secrétaire général de l'Initiative nationale palestinienne, traite, quant à lui, de l'avenir de la Palestine en tant qu'entité d'abord puis en tant Etat indépendant. Il croit percevoir via l'élection présidentielle, les élections municipales et les législatives prévues à la fin de ce mois une espèce de révolution démocratique unique dans le monde arabe. « La Palestine a effectué un pas énorme dans l'édification d'un système démocratique », note Barghouti, qui propose les « dix conditions pour la construction d'un régime démocratique en Palestine ». Il plaide en filigrane pour une sorte de troisième voie entre le Fatah et le Hamas. Une perspective qu'évoque clairement Roger Heacock à travers « l'ouverture du système politique palestinien à une troisième force ». Dans son exposé, l'auteur soutient que la mort de Yasser Arafat avait sonné le glas de la bipolarité du champ politique palestinien au profit d'une « tripolarité ». La revue Naqd ouvre ses pages également à Elisabeth Marteu, doctorante à l'institut politique de Paris, qui s'est intéressée aux Arabes d'Israël. Tout au long de son texte, l'universitaire démontre comment cette communauté, longtemps brimée, commence à se faire entendre. De l'affirmation identitaire au départ, « les citoyens arabes d'Israël » gagnent aujourd'hui des espaces et surmontent leur peur pour réclamer la négociation sociale et politique. Il faudrait donc compter, estime Elisabeth Marteu, sur son lobbying pour impulser, pourquoi pas, une dynamique de changement au sein de la société politique israélienne dans le sens de la cause nationale de la Palestine. Et dans une lecture croisée, Naqd invite ses lecteurs à méditer la perception des juifs arabes de la question palestinienne. D'autres thèmes aussi enrichissants sont aussi abordés, comme le mur de séparation, ses enjeux et ses conséquences, l'Etat juif, le mur et le choc des civilisations, ou encore Shatila en 2004 à travers lequel Rasha Salti ravive le douloureux souvenir de cette purification ethnique commise en 1982 par le général... Ariel Sharon, qui lutte dans son lit d'hôpital contre la mort. Le dernier numéro de Naqd est assurément d'une brûlante actualité. A lire absolument. Palestine : les clés d'un conflit, Revue Naqd numéro 21