Dans l'un des télégrammes de 2007, les diplomates américains brossent un tableau détaillé de la zaouïa Tidjania dont Bouteflika serait adepte. L'islam politique est l'un des sujets qui passionnent les diplomates américains. Ils s'intéressent de près au profil religieux du président Bouteflika et à ses penchants mystiques et considèrent les luttes fratricides au sein des partis islamistes – le MSP, en l'occurrence – comme une volonté du «pouvoir» de les garder dans son giron. Dans l'un des télégrammes datant de novembre 2007, les diplomates américains brossent un tableau détaillé de la zaouïa Tidjania dont Bouteflika serait adepte. Comme lui, glissent-ils, l'origine de la zaouïa est incertaine : elle serait marocaine ou algérienne. Les Américains saluent cet élan vers la spiritualité dans une société qu'ils décrivent comme «tribale, atomisée par le terrorisme des années 1990 et le désespoir des jeunes». «Avec la montée d'Al Qaîda et l'extrémisme, le gouvernement de Bouteflika s'est appuyé sur les zaouïas afin de jouer la carte de la tolérance et du dialogue tout en exploitant son penchant vers l'islam soufi à des fins politiques», souligne-t-on, en décrivant Bouteflika comme «sunnite le jour et soufi la nuit». Plus intéressante encore est l'analyse que font les attachés d'affaires américains des luttes de clans dans les partis islamistes. Les malheurs du Mouvement pour la société et la paix (MSP), lors d'un congrès chaotique tenu en avril 2008 et le maintien de Soltani à la tête du parti, sont perçus par l'ambassadeur Ford comme «un triomphe du système». Relatant les rivalités de leadership entre Bouguerra Soltani et Abdelmadjid Menasra ainsi qu'un rocambolesque épisode de bagarres pour l'obtention de badges lors du congrès du parti, l'ancien ambassadeur Ford y lit une volonté de l'Etat algérien de placer ses hommes dans les formations islamistes. «Bouteflika et son entourage ont besoin des références islamistes du MSP pour stimuler leur crédibilité avec des éléments de l'électorat islamiste et les islamistes du MSP ont besoin de Bouteflika pour accéder à des leviers de pouvoir, certes secondaires, mais nécessaires pour ne pas être marginalisés par un régime prompt à conquérir l'islam politique», commente ainsi l'ambassadeur américain, en soulignant que le parti de Soltani a droit à des portefeuilles ministériels de moindre importance. Ce serait donc les concessions faites par Soltani et sa dépendance envers le régime qui a créé le «désenchantement» des membres de l'ex-Hamas, les poussant vers Abdelmadjid Menasra. Soltani ayant maintenu son emprise sur le MSP, l'équipe de Bouteflika a été, selon l'expression de l'ancien ambassadeur américain, un «allié apprivoisé».