Le système de recrutement algérien désigne ses représentants à l'aide de listes examinées par des personnes influentes connectées à Bouteflika. A trop vouloir contrôler les services secrets, de crainte d'un coup d'Etat militaire, le président Bouteflika aurait fragilisé l'armée, à en croire un câble diplomatique datant du 13 janvier 2009. Dans sa guerre pour la préservation du pouvoir livrée avec le général-major Mohamed Medienne, dit «Tewfik», est-il expliqué, le président Bouteflika a placé ses hommes dans l'institution militaire, plaçant la loyauté et l'origine – Tlemcen, de préférence – au-dessus de la compétence. Le fait d'élargir le nombre de policiers répondrait également à cette même logique, mettant ainsi en place deux pôles de «pouvoir». «Le résultat semble être un réseau décentralisé, éclaté», commente l'ancien ambassadeur, David Pearce. De l'avis de l'ancien membre du FLN, Abdelkader Bounekraf, cité dans le mémo, le président Bouteflika avait «brisé» l'armée en remplaçant graduellement les généraux avec de nouveaux officiers moins expérimentés, mais qui lui restent fidèles. Dans les coulisses de la promotion d'une classe de colonels au grade de général en juin 2008, il a pu voir beaucoup de «ressentiment» au sein des anciens colonels et des généraux plus qualifiés et expérimentés. Le recrutement de milliers de policiers viserait également, à en croire le télégramme, à diminuer de la puissance de l'armée. «Le résultat est une structure de direction, ou «pouvoir», qui consiste désormais non pas d'un seul centre de pouvoir, mais de plusieurs.
La prise de décision est ainsi devenue un processus inefficace de négociation et d'argumentation rarement exposés à la vue du public», souligne l'ancien ambassadeur. Il ajoute : «Nos contacts, qui ont tous une connaissance personnelle des acteurs impliqués, croient que cela est de mauvais augure pour la stabilité du régime sur le long terme, étant donné leur manque de foi dans la capacité de la police à combler un vide laissé par une armée affaiblie.» Citant l'ancien chef de gouvernement, Sid Ahmed Ghozali, le télégramme précise que le système algérien désigne ses représentants à l'aide de listes examinées par des personnes influentes connectées à Bouteflika. Le processus de désignation est ainsi devenu plus lent en raison des négociations et des compromis entre les différents centres de pouvoir.
La multiplication des centres de décision risquerait néanmoins, d'après l'analyse de Chafik Mesbah, de rendre le processus de cooptation moins efficace. Par ailleurs, l'incompétence présumée des cadres de l'armée rend les choses plus complexes. S'appuyant sur les confidences de l'ancien officier du DRS, Chafik Mesbah, le diplomate américain rapporte que des décisions telles que l'octroi d'agrément à un parti politique ou une association ne sont pas soigneusement calculés. Ne sachant quelle décision prendre, certains cadres choisissent de ne rien faire, laissant les choses en l'état.