Alger abritera, aujourd'hui et demain, une conférence des ministres des Affaires étrangères du Mali, du Niger, de la Mauritanie et de l'Algérie sur le thème de la sécurité, du partenariat et du développement dans la région du Sahel. La réunion se déroulera dans un contexte extrêmement difficile, marqué par la manifestation d'activités terroristes d'Al Qaîda, une circulation effrénée d'armes de guerre et la menace d'une nouvelle rébellion brandie par les Touareg du Nord malien. Un cocktail «Molotov» qui fait craindre le pire et suscite une lourde inquiétude des Etats de la région et de celle de leurs partenaires. Depuis qu'AQMI a installé sa base arrière au nord du Mali et tissé sa toile pour faire des prises d'otages, sa source de financement (grâce aux rançons), l'Algérie n'a cessé d'appeler ses voisins à conjuguer leurs efforts et éviter tout agenda imposé, que ce soit par la France, qui considère la région comme sa plate-bande, ou par les Etats-Unis qui cherchent à avoir un pied-à-terre pour leur commandement militaire Africom. Dans sa conférence de presse, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, reconnaît que chacune des deux puissances «présenteront» leurs stratégies qu'elles jugent nécessaires pour combattre le terrorisme, la contrebande et la pauvreté dans le Sahel, et «qui seront discutées et confrontées à celles élaborées par les pays de la région». Selon lui, c'est la première conférence consacrée au terrorisme et au développement dans le Sahel à laquelle prendront part, en plus des ministres des Affaires étrangères des quatre pays, 38 délégations de haut niveau, dont des représentants de la Chine, la Russie, des Etats-Unis (représentés par le général de l'Africom), la Grande-Bretagne, la France (représentée par un conseiller du président Sarkozy), mais aussi des organismes onusiens, du Centre de recherche et d'étude sur le terrorisme (Caert), le Comité de l'état-major opérationnel conjoint (CMOC) installé à Tamanrasset, et de la centrale de renseignement des pays du Sahel installée à Alger, et appelée l'Unité fusion et liaison (UFL). Lors des travaux en ateliers, tenus à huis clos, il est attendu que les experts présentent un état des lieux. Le constat, révèlent des sources locales, est explosif et ne cesse d'évoluer. Populations délaissées et risques d'explosion Il y a une semaine, à quelques heures de sa mort, Brahim Ag Bahanga a laissé entendre dans l'entretien qu'il nous a accordé que la chute du régime El Gueddafi lui a permis de se redéployer sur le terrain et de préparer la reprise des armes après le Ramadhan. De nombreuses réunions ont été tenues, selon lui, avec les cadres et les jeunes de la région de l'Adrar-Ifoghas, au nord-est du Mali, et le principe de la «nécessité du recours aux armes a été retenu. Ce plan est en finalisation. Pour l'instant, l'heure est à la gestion de l'après-mort de Bahanga. Il faut trouver un successeur qui poursuivra l'œuvre du défunt. Notre souci est que sa mort suspecte ne soit pas un facteur de division mais plutôt de renforcement des rangs», déclare un des proches de Ag Bahanga. Pour lui, «ce dernier a été assassiné au moment où il voulait intercepter un convoi d'armement venu de Libye, en direction de Tombouctou, le fief d'AQMI, de la contrebande et du trafic de drogue. Ceux qui pensent qu'en éliminant Bahanga, ils vont tuer dans l'œuf la révolte se trompent.
La population vit dans l'exclusion totale et subit de plein fouet la misère et la sécheresse. Elle n'a plus d'autre solution pour une vie meilleure que celle de l'arracher au prix du sang…» Lui aussi s'inquiète du mouvement de personnes en provenance de Libye. «Ces jeunes sont puissamment armés. Ils sont très nombreux. Il y a ceux qui vont certainement rallier AQMI et ceux qui vont s'enrichir avec le commerce des armes. Ceux qui sont revenus les mains vides ne trouveront comme travail que celui d'être un combattant d'AQMI ou un passeur des contrebandiers et des narcotrafiquants. La région est assise sur un volcan…», révèle un membre du mouvement touareg malien. Selon lui, les troupes d'AQMI «ne peuvent trouver un terrain aussi propice pour leurs activités criminelles que celui engendré par la situation en Libye».
Pour lui, «tous les ingrédients sont là pour faire de ce Sahara qui s'étend de la Somalie jusqu'en Mauritanie une zone de tous les dangers». C'est cette nouvelle donne qui fait de la conférence d'Alger un évènement exceptionnel qui devrait obliger les Etats, notamment de la région à s'engager concrètement et sur le terrain, dans une logique de lutte contre toutes les menaces, particulièrement celles liées au terrorisme et au trafic d'armes. Il est attendu que des pays comme le Mali où AQMI dispose d'importants moyens humains et logistiques et vers où converge une grande partie des armes récupérées de la Libye, soient disposés militairement et politiquement à combattre réellement ces menaces. L'heure n'est plus aux conférences sans lendemain. La réunion d'Alger ne doit pas s'inscrire dans le prolongement de celles déjà organisées. La situation ne fait que s'aggraver et atteint aujourd'hui un seuil des plus critiques, non seulement sur le plan sécuritaire, mais également sur les plans économique et sociale.