Le directeur général de l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT), Guillaume Denoix de Saint-Marc, co-organisateur du congrès de Paris, s'explique. -N'y a-t-il pas un problème de définition du terrorisme ? Mme Benhabylès a annoncé qu'elle ne participera pas au congrès parce qu'il fait un amalgame entre terrorisme et combat des peuples pour leur indépendance ? Je signale que des victimes algériennes vivant en Algérie seront présentes ainsi que des victimes algériennes vivant en France. Il y a un problème de définition du terrorisme lui-même, c'est clair, mais on en fait abstraction parce qu'on se focalise non pas sur le terrorisme lui-même, mais sur les actes terroristes. Le sens commun arrive plus ou moins à définir le terrorisme. Ce qui nous intéresse c'est la victime, jamais la cause. -Un mouvement de libération nationale, un mouvement qui résiste à l'occupation serait-il un mouvement terroriste ? Non, par contre il peut commettre des actes terroristes répréhensibles. Poser une bombe au Milk Bar c'est comme poser une bombe dans un métro. Là-dessus, j'ai un point de divergence fort avec Mme Benhabylès, ce n'est pas notre rôle de dire qui est une organisation terroriste qui ne l'est pas, par contre, les actes terroristes sont inacceptables. Tant que le FLN, dont la cause était noble, n'aura pas admis qu'il y a des actions qu'il n'aurait pas dû faire, cela donne tous les arguments à El Qaîda pour faire la même chose. -Il y a un contexte… On ne s'intéresse pas à ce qui s'est passé, mais à ce qu'est devenue la victime après, on ne parle pas de l'origine de l'attentat. Les victimes ne peuvent être isolées du contexte qui a fait d'elles des victimes ? Entre elles, le contexte disparaît complètement. C'est ce qu'on va montrer lors des débats. -Quelle est votre définition du terrorisme ? C'est celle du droit français, entre autres, et celle qui est définie par l'Europe, et la Fédération internationale des associations de victimes du terrorisme, qui sera constituée à l'issue du congrès va la prendre comme base de définition. -Des victimes n'ont-elles pas été oubliées ? Qui ne pourront pas s'exprimer parce qu'elles ne seront pas présentes ? Comme les victimes du terrorisme israélien ? Il n'y a pas de sélection entre bonnes et mauvaises victimes. On a essayé d'être le plus large possible en fonction des victimes qui se sont manifestées auprès de nous. Le congrès est axé sur la victime par rapport à la société. Toutes les victimes pourront dire ce qu'elles veulent. -Des victimes palestiniennes d'attentats en Israël vont venir. Mais pas les victimes des territoires occupés ? Pour l'instant, aucune ne m'a contacté, il n'y a pas eu de contact réciproque. On a fait ce qu'on a pu avec nos faibles moyens pour faire connaître ce congrès. L'objet n'est pas de parler du conflit israélo-palestinien. Les actions de l'armée israélienne contre la Palestine sont horribles, mais ce sont des actes de guerre qui sont précisément définis contrairement au terrorisme. On veut arriver au moins à un consensus minimum et dire que des victimes d'actes terroristes sont dans une douleur particulière, sont très souvent peu considérées, utilisées politiquement, sont dans un système qui est pervers dans lequel la cible ne fait pas attention à la victime et du coup, la victime finit par développer une agressivité envers la cible. Tout cela fragilise les sociétés, crée un terreau négatif et que l'on veut simplement montrer. Il faut aller étape par étape. Jusqu'ici dans ce type de congrès il n'y avait pas de victimes musulmanes, par exemple, ce que j'ai trouvé inqualifiable. J'ai fait un énorme effort pour trouver des victimes musulmanes parce que 80% des victimes du terrorisme islamiste sont musulmanes. Le problème c'est que ces victimes sont souvent isolées, ne sont pas soutenues et après il faut trouver des financements pour les faire venir. C'est la première fois qu'il y a autant de pays représentés. On a répondu à toutes les sollicitations des victimes qui nous ont contactés. -Il a été reproché aux organisateurs du congrès d'avoir voulu donner la parole à une victime de l'attentat du Milk Bar et d'oublier les victimes de l'OAS ? Il y a une confusion totale, dans ce congrès on a voulu donner la parole à des victimes qui ne l'ont pas eue jusqu'ici. Nicole Guiraud (victime de l'attentat du Milk Bar) a pris la parole il y a deux ans dans un congrès qu'on a organisé. Elle fait partie des gens qui sont inscrits au congrès, l'inscription est libre. Au même niveau, il y a une victime de l'OAS, M. Gavoury avec la même possibilité de parole. Nicole Guiraud est adhérente à l'association, c'est la victime la plus ancienne dans l'association. M. Gavoury s'est inscrit au congrès et accepte de parler aux journalistes qui le solliciteront. Ce sont deux victimes de deux actions de terrorismes complètement opposés à l'époque. -Votre objectif avec ce congrès… Rendre visibles des victimes dans leur diversité, essayer de rendre compte de l'universalité et des différences d'opinion, de culture, de religion, mais au-delà montrer qu'il y a un socle commun. C'est un moyen d'apaiser les conflits à travers les victimes. De comprendre l'autre. Pour moi c'est une ouverture vers la tolérance. Quant aux victimes palestiniennes d'Israël que vous évoquiez, il n'y a pas un consensus pour les qualifier de victimes du terrorisme. J'espère qu'à terme toutes ces victimes palestiniennes auront la même considération. J'ai choisi de mettre ce problème de côté pour l'instant et m'attaquer là où il y a le plus large consensus. -C'est-à-dire ? C'est-à-dire de victimes de bombes tombées dans un restaurant, pas d'une action d'une armée sur une population. Dans les débats du congrès je veux qu'on travaille sur ce qui nous rassemble. C'est faire de la diplomatie par les victimes. Puisque nous arrivons à nous comprendre, puisque nous nous sentons une affinité malgré nos divergences, soyons un pouvoir pour lutter, d'une part, contre la radicalisation, d'autre part pour construire le vivre ensemble. N. B.