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« Le texte est à parfaire et il faut parler du droit à la communication » Brahim Brahimi et Ahcen Djaballah analysent le nouveau projet de loi sur l'information
Le nouveau projet de loi sur l'information, adopté, lundi dernier, par le Conseil des ministres, laisse dubitatif les spécialistes et les professionnels des médias. Présenté comme un texte «révolutionnaire» qui met fin à l'emprisonnement des journalistes et au monopole de l'Etat sur l'audiovisuel, ce projet n'a pas provoqué l'enthousiasme attendu. Au contraire, la prudence est toujours de mise chez les analystes qui appellent déjà à parfaire encore davantage ce projet avant son adoption définitive par le Parlement. C'est ce que pense notamment Belkacem Ahcen Djaballah, ancien professeur à l'université d'Alger et spécialiste des médias en Algérie. «Après plusieurs années de disette, ce texte est le bienvenu. Le paysage médiatique a souffert pendant plusieurs années de l'absence d'un texte juridique appliqué. Car il y a eu la loi de 1990, mais il y a eu toute une polémique autour de ce texte. Donc, il a été rendu inapplicable par la mauvaise volonté des hommes. Maintenant, ce texte est le bienvenu, mais comme tout projet, il reste à parfaire. J'espère que ce texte sera encore discuté, revu et corrigé au niveau du Parlement et cela dans l'intérêt du citoyen et non pas dans l'intérêt purement politicien. A mon humble avis, ce texte reste encore à parfaire, car, à mon sens, il y a beaucoup de choses qui restent à revoir», lance-t-il. Les anomalies du texte Il explique. Le nouveau texte élaboré par le gouvernement est un mélange «de loi organique et de loi commune, car on retrouve à l'intérieur des aspects réglementaires».Pour Belkacem Ahcen Djaballah, l'idéal serait d'avoir un texte de loi qui concernera la communication et non pas seulement l'information. «Ce texte devrait énoncer les principes fondamentaux du droit à l'information et du droit d'informer. Une fois ceux-ci sont énumérés, on peut, par la suite, renvoyer à des textes réglementaires à élaborer très prochainement», souligne-t-il, appelant ainsi à un large débat avec la participation des concernés : les journalistes, les spécialistes et les partis aussi. Dans le même sens, Brahim Brahimi, enseignant à l'université d'Alger et directeur de l'Ecole supérieure du journalisme, appelle à «une loi sur la liberté de la presse». «Il faut appeler à une loi sur la liberté de la presse et non pas à une loi sur l'information. Il faut une loi qui protège les libertés, car c'est là où réside le plus grand problème. Si l'on appelle à une loi sur l'information, on restera toujours à la traîne», tranche-t-il. La nouvelle loi, enchaîne-t-il, devrait consacrer et garantir le droit à la communication. Brahim Brahimi relève ainsi une première anomalie dans ce texte. Selon lui, à partir du moment où l'option de l'ouverture de l'audiovisuel est prise, il fallait élaborer une loi sur la communication. «En 1990, on ne pouvait pas parler du droit à la communication, car l'audiovisuel était toujours sous le monopole de l'Etat. Ce n'est plus le cas actuellement. C'est pour cela qu'il faut parler d'une loi sur la communication et non pas d'une loi sur l'information», précise-t-il. Il faut attendre la loi sur l'audiovisuel.Ayant travaillé longtemps sur le code de l'information de 1990, Brahim Brahimi affirme avoir noté plusieurs points noirs qui ont compromis la liberté de la presse en Algérie. Il s'agit notamment des peines d'emprisonnement contre les journalistes contenues dans ce texte. «Le nouveau projet a résolu une partie de ses anomalies.Les peines d'emprisonnement ont été supprimées, en revanche, on a gardé les amendes financières que j'estime excessives. Imposer des amendes financières de l'ordre de 500 000 DA, c'est pousser les journalistes à l'autocensure», met-il en garde.Concernant l'ouverture de l'audiovisuel, les deux spécialistes font preuve de beaucoup de prudence. Ils précisent qu'il faut attendre la loi sur l'audiovisuel pour juger la volonté du pouvoir. Mais d'emblée, Belkacem Ahcen Djaballah exprime son appréhension concernant la mise en place de deux autorités de régulation distinctes pour la presse écrite et l'audiovisuel. «Globalement, c'est une bonne chose. Mais je pense que le fait d'avoir plusieurs autorités de régulation posera problème à l'avenir. Cela ne sera pas facile à gérer. Et là, je parle du champ de la communication dans son ensemble. Parce que la communication est un tout, et actuellement on ne parle plus du droit à l'information, mais du droit à la communication, y compris l'internet. Peut-être cet éparpillement sera préjudiciable à la bonne exécution de la réforme», ajoute-t-il. L'enseignant estime, toutefois, qu'il faut attendre une loi sur l'audiovisuel. Est-ce que cela n'a pas été fait sciemment pour permettre au pouvoir de mieux contrôler le nouveau paysage médiatique en Algérie ? «Dans tous les pays, y compris les occidentaux, l'audiovisuel est le dernier carré qu'on lâche et l'Etat est toujours présent d'une manière ou d'une autre. Mais on n'a pas encore proposé des solutions pour l'audiovisuel. On ne sait rien pour le moment. Tout dépend de la volonté politique», rétorque-t-il.