Hier a débuté un mouvement de protestation des travailleurs du groupe 4 du camp 7 du consortium japonais qui construit le tronçon est de l'autoroute. Les travailleurs empêchent le transfert des engins et du matériel du camp 7 qui réalise le tronçon d'El Tarf vers les camps n°4, 5 et 6 implantés dans les secteurs de Constantine, El Harrouch et Azzaba. Une déclaration du collectif des travailleurs indique que si «l'on peut comprendre l'immobilisation des chantiers et les dégraissements des effectifs du personnel en cours depuis le 8 août pour le manque de fonds qu'accuse l'entreprise faute d'avoir été payée par le gouvernement, on ne peut accepter que soudainement Cojaal retrouve du dynamisme sur les autres tronçons et pas sur celui d'El Tarf». Cojaal employait près de 2900 personnes dans la wilaya d'El Tarf. Comme toujours, les responsables de Cojaal se sont refusés à tout commentaire pour respecter l'engagement fait à l'Agence nationale des autoroutes de ne pas communiquer avec la presse. Cojaal réclame le payement de 30 milliards de dinars supplémentaires et, comme son homologue chinois CITIC-CRCC qui réalise les tronçons ouest et centre de l'autoroute, elle menace à demi-mot d'abandonner les chantiers et d'en référer aux tribunaux internationaux. Ce qui, dit-on, pourrait aussi arranger les autorités algériennes pour qui le projet du siècle et du Président commence à poser de sérieux problèmes pour tous les boulets qu'il traîne, notamment des affaires de corruption qui pourraient éclabousser les plus hautes instances du pays. Lors de la réception, le 11 août dernier, du tronçon de 53 km entre Aïn Charchar (Skikda) et Dréan (El Tarf), Amar Ghoul, le ministre des Travaux publics, a déclaré : «Même si personne ne le croit plus beaucoup, que l'autoroute Est-Ouest sera livrée dans sa totalité fin 2011, c'est-à-dire au plus tard dans trois mois et demi.» Bouchées doubles Les plus grandes difficultés qui sont à surmonter seraient la nature du terrain dans le djebel Ouahch, entre Constantine et El Harrouch, et les zones inondables d'El Tarf. En aparté, il a ajouté que pour sa part, il se considérait comme satisfait si l'autoroute ralliait Annaba. On serait alors en droit de se demander s'il n'a pas été déjà envisagé de mettre les bouchées doubles pour rallier Annaba au prix de laisser choir le tronçon qui traverse El Tarf ? Amputer un bout de l'autoroute défaillante pour sauver le reste est une éventualité parfaitement concevable pour nos dirigeants. Mais dans ce cas, le projet du siècle aura, en plus des scandales qui lui sont associés, causé l'un des plus grands torts au patrimoine naturel du pays. En traversant le Parc national d'El Kala pour aller se jeter en pleine nature tunisienne, l'autoroute inachevée aura eu une fin peu honorable. Dans tous les sens du mot. L'idée du contournement du parc avait rencontré en 2009 l'obstination inexplicable de l'ancien Premier ministre, A. Belkhadem, parce qu'elle entraînait des coûts et des délais supplémentaires. Aujourd'hui, l'autoroute est très en retard, les constructeurs réclament de l'argent en plus et l'Algérie a perdu le fleuron des aires protégées du pays. «Les contournements non, mais les détournements oui», dit-on chez les défenseurs du Parc.