Au moment où le président de la République compte engager des réformes politiques substantielles, les attaques portées par le journal Ennahar contre le quotidien El Watan et contre l'ancien ministre de l'Economie et des Finances de Mouloud Hamrouche, Ghazi Hidouci, sont tout simplement abominables. Il est peu vraisemblable qu'elles aient été encouragées par le président de la République, encore moins qu'elles aient émané de lui. Le chef de l'Etat est suffisamment connu pour son attachement au dialogue des civilisations (il l'avait, entre autres, démontré, en invitant Enrico Macias à venir se produire à Constantine, sa ville natale) pour qu'on écarte tout soupçon de connivence avec le directeur d'Ennahar.Il se trouve seulement que la notoriété grandissante d'El Watan, aussi bien en Algérie qu'à l'étranger, gêne et irrite les pseudo-hommes de presse qui peuplent le paysage médiatique national. El Watan est ainsi désigné à la vindicte de certains de ses confrères qui préfèrent verser dans l'antisémitisme le plus abject (en reprochant au journal des accointances, au demeurant purement imaginaires, avec tel ou tel écrivain français d'origine juive) au lieu de chercher à mobiliser l'opinion publique arabe pour qu'elle apporte de façon massive son soutien à l'Etat de Palestine, quelques jours avant l'examen par le Conseil de sécurité des Nations unies de la demande d'adhésion de l'Etat palestinien à l'ONU. A sa manière, une certaine presse algérienne vient de faire la démonstration que l'on peut être à la fois antisémite et partisan non déclaré mais néanmoins effectif de l'Etat hébreu, en s'abstenant de relayer la parole arabe au moment opportun. En ce qui concerne El Watan, il n'a eu de cesse de défendre les intérêts aussi bien de l'Algérie que de l'Etat palestinien, encourant parfois le grief de vouloir voler au secours des responsables officiels. Il n'a pas de leçon de déontologie à recevoir. Il est l'honneur de la presse arabe et internationale lorsqu'il entreprend d'organiser un séminaire sur le «printemps arabe», ouvert au public et à l'occasion duquel prendront la parole les plus éminents experts de la région. Et l'on peut d'ores et déjà gager que cette rencontre connaîtra un immense succès. Pour ce qui est de Ghazi Hidouci, il s'agit d'un grand commis de l'Etat. La réputation qui le précède est celle d'un homme courageux, aux fortes convictions, compétent, intègre, vivant uniquement des revenus de son travail. Il a été un des premiers, dès 1984, à mettre en garde le président Chadli contre les dérives du système et préconisé des réformes économiques audacieuses. Il a été le concepteur, en collaboration avec A. Hadj-Nacer et Smaïl Goumeziane (deux autres grands commis de l'Etat) de la loi sur la monnaie et le crédit qui n'inspire malheureusement plus, après avoir été remaniée souventes fois, les lois de finances de ces dernières années. Il s'agit bien d'un Algérien de pure souche (si cela peut rassurer ses contempteurs). Serait-il d'origine juive que son algérianité, attestée par des engagements incontestables, ne saurait être mise en doute. Aujourd'hui, il y a dans ce pays des milliers de Berbères judaïsés qui n'en sont pas moins des Algériens à part entière et des patriotes au-dessus de tout soupçon. Que d'Algériens d'origine juive n'ont-ils pas consenti le sacrifice suprême pendant la Guerre de libération nationale, au même moment où d'autres Algériens d'obédience «arabo-musulmane stricte» préféraient vendre leur âme au diable. Autant dire que cette stigmatisation de l'ancien ministre de l'Economie est honteuse et décrédibilise complètement tous ceux qui s'y sont livrés. Ceci dit, il semblerait que Ghazi Hidouci ne soit nullement indésirable en Algérie. L'Algérie est son pays. Sur le plan des principes d'abord, la Constitution édicte, en son article 44 alinéa 2, que «le droit d'entrée et de sortie du territoire est garanti à tout citoyen». Ensuite, il n'y a aucune mesure d'ordre administratif ou judiciaire qui ait été envisagée à son encontre. Il est donc regrettable qu'il ne puisse pas participer aux débats d'El Watan, d'autant plus qu'il aurait saisi l'occasion de sa présence en Algérie pour faire justice du procès en sorcellerie instruit contre lui par les ennemis de la liberté, qui sont également ceux de l'Algérie.