Encore une fois, la commémoration de la mort de l'architecte du congrès de la Soummam, Abane Ramdane, a été l'occasion pour quelques-uns d'orienter l'affaire de son tragique et cruel assassinat vers une contrevérité, voire même une « contre histoire ». Dans cette commémoration, et celles qui l'ont précédée, il y a bien eu au fond une situation de procès, le procès de Krim Belkacem. Une commémoration qui devait être un événement pour faire revivre et raviver la mémoire de ce géant de la révolution, exiger de l'Etat le rapatriement de sa dépouille et demander à ce que toute la lumière soit faite sur les circonstances de sa mort, s'est transformée, plutôt sciemment qu'inconsciemment, en une journée de falsification de l'histoire, en une journée de tromperie, de manipulation et de récupération. Comme pour Krim, la commémoration de la mémoire de Abane a toujours été marquée par l'absence totale des pouvoirs publics,. Il est vrai que ceux-ci lui ont préféré le colloque sur Abdelhafid Boussouf ! Il est certain que des considérations politiques, voire claniques et manifestement régionalistes, ont guidé ce choix de « l'absence ». Ce choix délibéré de ne pas célébrer à sa juste dimension la mémoire de Abane témoigne également de cette volonté d'occulter un aspect fondamental susceptible de mettre dans la gène et l'embarras les autorités sur la question de l'identité de l'authentique ou des véritables assassins de Abane. Enfin, cette fausse impartialité des pouvoirs publics et cette absence officielle ne sont en fait qu'une attitude de compromis entre le pouvoir de l'ombre et celui d'apparence. Certes, Krim a pris sur lui la responsabilité de l'assassinat de Abane, comme il l'a déclaré à Ferhat Abbas (propos rapportés dans le livre de Benjamin Stora et Zakya Daoud, Ferhat Abbas, une autre Algérie ; ou encore dans les Vérités sur la révolution algérienne de Mohamed Lebdjaoui. Cette responsabilité assumée ne fait nullement de lui le responsable du forfait qui est clairement identifié dans les deux ouvrages sus-cités, mais également dans Les archives de la révolution algérienne de Mohamed Harbi. Alors, il appartient aux historiens de se pencher sur cet épisode tragique de la révolution pour l'élucider, le comprendre et l'expliquer ; il leur appartiendra également de répondre à la question suivante : pourquoi Krim Belkacem a assumé la responsabilité d'un forfait qu'il n'a pas commis ? Mais ce travail empêché, voire entravé par la dissimulation et la rétention des archives, a ouvert la voie à des sous-traitants d'engager le débat sur une fausse piste et de le désorienter à des fins inavouées, mais aisément identifiables. Comment ne pas s'étonner de cette grossière sortie médiatique de Mme Anissa Boumediène, relayée quelques jours plus tard sur les ondes de la Chaîne II par Belaïd Abdeslam accusant sans réserve, sans scrupules ni conscience Krim d'être l'assassin de Abane ? Si je peux comprendre les motivations et l'arrière-pensée de la veuve du président Boumediène, dont l'héritage en matière de forfaits semblables est trop lourd à supporter, je ne peux par contre saisir l'attitude de Belaïd Abdeslam dans ce rôle d'accusateur, alors qu'il n'est ni qualifié ni compétent pour juger et encore moins révéler les circonstances d'une affaire dont il n'a été ni témoin ni acteur ; et surtout pas lui, lui qui a été formé à l'école de la langue de bois, du mensonge et de la vérité empêchée ; rêvant encore de révélations sensationnelles et du prestige de l'autorité perdue. Ne pouvez-vous pas, un jour, avoir le courage et surtout la lucidité de prendre acte de vos échecs ? Nous avons survécu à vos faiblesses, vos médiocrités et surtout à vos mensonges par une longue cure d'aphasie que je vous recommande de consolider encore le temps de nous permettre de remettre de l'ordre dans le désordre que vous nous avez légué. Ce fâcheux et regrettable dérapage n'est malheureusement pas innocent, derrière se profile toute une conception et un plan mené et exécuté par des individus à la solde de forces négatives, dont le souci majeur est de provoquer une cassure au sein de la Kabylie afin de mieux la contrôler en vue de la normaliser. Pour finir, Krim n'a pas assassiné Abane. Cherchez ailleurs !