Un large et vigoureux mouvement d'opinion doit accompagner la récente alerte donnée par la section algérienne de l'organisation non gouvernementale Transparency International au sujet du projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre la corruption. A travers leur refus pathologique de l'article 7 du texte imposant déclaration du patrimoine aux élus et agents de l'Etat, nos députés révèlent brutalement leur volonté de légaliser le virus de la corruption. Eux qui, il y a si peu de temps, sont montés sur leurs grands chevaux pour combattre une loi de l'Assemblée française au motif qu'elle est de nature à instiller les germes de négationnisme et révisionnisme de l'histoire coloniale. Il ne faut pas croire déjà caduc le vieil adage enseignant « Qui vole un œuf, vole un bœuf ». L'histoire algérienne de la corruption est bourrée de cela. Au nom de mandats électifs (volés et traficotés), de fonctions administratives devenues guichets de vente de tampons et formulaires - y compris de titre de moudjahid - le pays a produit à foison les chaînons de la dîme. Dont ne pouvaient même pas rêver les caïds ni les colons : pas seulement d'œufs ni de bœufs, les plateaux d'argent sont aujourd'hui remplis de commissions de la rente d'hydrocarbures, encaissables dans les plus sécurisées places financières du monde. C'est pour cela que la scandaleuse tentative de blanchiment du rituel même de la corruption opérée par l'Assemblée nationale mérite qu'on ne cesse de s'en indigner, même si des populistes de tout poil voudraient nous faire accroire que le mal est si avancé qu'il n'y a plus rien à faire, sinon baisser la garde, le ton, l'investigation et le reste. L'argument du « patron » du FLN majoritaire à l'Assemblée pour justifier l'inqualifiable, comme une prévention des élus contre « l'hypothèse de la volonté du gouvernement de les piéger », sonne faux et creux. Le chef de l'Etat peut-il amener à la raison son « ministre d'Etat et représentant personnel » ? Le dernier audit établi dans le monde par Tranparency International classe l'Algérie à la 97e place, c'est-à-dire dans la zone la plus polluée par le virus de la corruption. Si la science a impulsé d'heureuses avancées dans la thérapie contre le virus du sida, on a bien le droit d'espérer que l'Algérie de 2006 entame au moins sérieusement un travail d'identification de la gangrène de la corruption.