Le réfectoire de la Grande-Poste, sis à la rue Chitour Amar, juste en face du siège de l'UGTA, est désormais un lieu très connu pour les sans-abris et autres démunis de la ville de Constantine. Depuis le lancement le 15 novembre dernier, par le comité de wilaya du Croissant-Rouge algérien de la traditionnelle opération « repas chauds d'hiver », un nombre important de personnes investit les lieux quotidiennement où les sièges sont déjà occupés dès 16h. L'hiver est dur pour ces sans-abri qui cherchent un lieu sûr pour se voir servir un repas chaud. Dans la grande salle qui accueille des hommes et des jeunes, on croise des visages fatigués, la peau cuite par le soleil et durcie par le froid glacial de la ville. Au fond du réfectoire, un coin protégé est réservé aux femmes et aux enfants. Certaines habituées n'ont pas encore rejoint les lieux. « Elles sont toujours devant les sorties des mosquées pour demander l'aumône », nous dira Azzouz Benamer. Parmi les visages familiers de cette fidèle brigade de secouristes qui ne rate pas ce genre de rendez-vous, on reconnaît surtout Saliha qui pointe dès 15h30 pour assurer les premiers préparatifs et se charger de la gestion des repas préparés à la cuisine du Croissant-Rouge et qui proviennent de quatre marmites norvégiennes. A 17h, les choses sérieuses commencent. On sert avec habileté pour éviter la moindre contestation. Ce n'est pas facile lorsqu'on a affaire au caractère difficile de certains. Les disputes sont courantes et parfois dangereuses. Pas moins de 350 repas sont servis quotidiennement. Les jours de saisie sont les plus étoffés. Avec des plateaux de pizza et de chrik, les SDF sont vraiment gâtés. Des familles entières viennent s'installer ici. La plupart d'entre elles sont des habituées des lieux depuis des années. Rien n'a changé pour elles, même si on a tenté vainement de les convaincre de rejoindre Dar Errahma de la cité de Djebel Ouahch. Les ratissages opérés à plusieurs reprises dans les milieux de ces sans-abris ont toujours été un échec. Des gens de passage sont reconnaissables. Munis de couffins et de petites marmites, ils amassent ce qu'ils peuvent pour leur famille. Le service est rapide. A 18h, d'autres groupes de mendiants arrivent dont des femmes accompagnées d'enfants en bas âge. A la cuisine, on achève déjà les marmites. « La direction de la poste nous a énormément aidés en nous assurant ce lieu avec toutes ses commodités », nous avouera Azzouz Benamer, un homme respecté par tous. Alors que la salle commence à se vider, des retardataires sont encore servis. Place au ménage. Les secouristes habillés de leur dossard blanc se relaient sur tous les postes. Pour eux, même si leurs jours au réfectoire de la poste se ressemblent, ils ont toujours le sentiment du devoir accompli. L'opération Repas chauds d'hiver, déjà à sa sixième année, se poursuivra jusqu'au 30 mars de l'année en cours, pour le grand bonheur de ces dizaines de démunis et sans-abris qui attendent des journées plus clémentes.