Il y avait beaucoup d'émotion, jeudi, lors de l'hommage rendu à l'ancien directeur général d'El Moudjahid, Nourredine Naït Mazi, en marge de l'organisation du SILA (Salon international du livre d'Alger) à l'initiative de la maison d'édition Casbah. Il a fallu cette sympathique et conviviale cérémonie, qui mérite d'être saluée, pour rassembler les membres de cette grande famille de la presse : journalistes, techniciens, administratifs, toutes générations confondues, mais aussi d'autres confrères et amis de la presse nationale qui ont en partagé des souvenirs impérissables dans leur parcours professionnel respectif. Des hommes politiques, MM. Ahmed Taleb Ibrahimi, Karim Younès et Mohammed Saïd étaient également présents à la cérémonie. Discret de nature et évitant comme un papillon de nuit les feux des projecteurs, Naït Mazi aura réussi ce pari de battre le rappel des troupes parmi ceux qui l'on connu, travaillé à ses côtés ou qui l'ont côtoyé dans le cadre de son long et riche parcours professionnel : journalistes, intellectuels, anciens fonctionnaires du ministère de l'Information, hommes politiques. Certains ne s'étant pas vus depuis des années. Même notre confrère et ami Ali Habib, qui réside à Paris depuis les événements tragiques qu'a connus le pays, a tenu à être de la fête et a fait l'agréable surprise à ses anciens confrères de la rédaction d'El Moudjahid de partager avec eux ses émouvantes retrouvailles. Comment évoquer le parcours professionnel d'un homme aussi discret, réservé dans sa vie privée et cuirassé dans sa vie professionnelle, imperméable aux critiques fondées où les plus perfides sur la ligne éditoriale auxquelles il a eu à faire face en tant que patron d'un journal comme El Moudjahid élevé au rang d'institution et qui, de ce fait, cristallisait toutes les attentes, les frustrations populaires ? Comment parler vrai de ce doyen de la presse algérienne sans verser dans la facilité des faux procès ni dans la tentation de tresser des lauriers pour faire uniquement dans les convenances ? En organisant cet hommage, alors que M. Naït Mazi n'a pas encore tiré sa révérence, la maison Casbah éditions a réparé une injustice historique qui avait fait que ce genre de reconnaissance n'était organisé qu'à titre posthume. La liste est en effet longue de tous les aînés de la presse qui sont partis les uns après les autres, sur la pointe des pieds, souvent dans l'anonymat et l'ingratitude de la corporation, qui ne fait même pas l'effort de leur consacrer un entrefilet à l'occasion des dates anniversaires de leur décès. Un débat citoyen Les intervenants qui ont eu à prendre la parole à la tribune, notamment la nouvelle directrice d'El Moudjahid, Mme Naâma Abbas, hcène Belkacem Djaballah, ancien DG de l'APS (Algérie presse service) et enseignant à l'Institut des sciences politiques et de l'information d'Alger, l'écrivain Kaddour M'hamsadji, ancien collaborateur à la rubrique culturelle d'El Moudjahid, ont tous reconnu la difficulté de parler d'un homme qui ne se laisse pas découvrir aussi facilement, comme le font d'autres, plus exubérants, dont on sait tout dans les moindres détails. M. Naït Mazi avait son jardin secret qu'il a jalousement gardé pour lui. Mais les témoignages que l'on a entendus, au cours de l'hommage qui lui a été rendu et notamment par des journalistes qui ont travaillé sous sa direction, convergeaient tous pour lui reconnaître des qualités et des valeurs intrinsèques de professionnalisme, de patriotisme, de gestionnaire rigoureux sous la houlette duquel plusieurs générations de journalistes ont appris le métier. Sur un plan plus général et au-delà de l'hommage mérité rendu à M. Naït Mazi, beaucoup parmi les anciens journalistes d'El Moudjahid - mais pas seulement, car le journal relève du patrimoine national comme l'est le FLN historique - auraient souhaité voir, à cette occasion, s'ouvrir un débat franc, serein et dépassionné sur le contenu éditorial du journal. Par devoir de mémoire et de vérité. Sans chercher des coupables tout désigné ou des héros à faire entrer au Panthéon de l'histoire de la presse algérienne, à la faveur notamment des mutations politiques qu'a connues le pays et dont le journal El Moudjahid a servi de laboratoire et de terreau pour les collectifs de journalistes qui allaient se lancer dans «l'aventure intellectuelle» de la presse indépendante dans les années 1990. Ce débat citoyen, il faut impérativement parvenir à l'organiser avec toutes les générations des journalistes, qui se sont succédé à la rédaction du 1 rue de la Liberté, avec M. Naït Mazi, auquel nous souhaitons bonne santé et longue vie, et les citoyens (pourquoi pas ?). La devise du journal n'est-elle pas «Par le peuple et pour le peuple» ?