Ce 2 octobre 2011 restera pour la postérité une date phare pour le peuple syrien dans son combat pour le recouvrement de son autodétermination. La naissance même chez leurs voisins turcs du «Conseil national syrien» laisse espérer un avenir radieux pour ce peuple que la botte du tyran Al Assad n'a pas réussi à écraser. Le grand penseur Burhan Ghalioun a eu raison de le qualifier «d'événement historique». Il faut avoir vécu quelque temps sous le joug des Al Assad pour mesurer la portée d'une telle coalition politique nationale contre un ennemi commun ; un ennemi d'une Syrie libre et démocratique. Ce conseil, qui a réuni des représentants de tous les courants politiques opposés au régime de Bachar Al Assad, qu'ils soient laïques ou islamistes, de gauche comme de droite, est une victoire éclatante contre le bloc monolithique du Baath qui règne sans partage depuis plus de 40 ans. C'était une gageure de réunir un aréopage aussi large que celui d'une Syrie fractionnée, divisée et confessionnalisée par un régime nihiliste légué par le père à son fils comme un héritage naturel. C'est en cela qu'il faudrait saluer ces centaines de Syriens libres, jaloux de leur pays, qui ont donné hier une leçon de démocratie à un apprenti dictateur qui a entrepris une répression génocidaire contre son peuple qui le vomit. Si Bachar Al Assad ne veut point partager son pouvoir, ses opposants, eux, ouvrent grande la porte à «toutes les catégories du peuple syrien et apportent le soutien nécessaire à la marche de la révolution et la réalisation des espoirs et attentes de notre peuple». C'est là toute la différence entre un régime ténébreux qui lutte pour sa survie et une élite éclairée qui aspire à une Syrie rayonnante où le peuple respire la liberté. Et dans ce duel à distance, les armes de destruction massive sont du côté de Burhan Ghalioun et ses amis du CNS qui ont déjà immobilisé par les des mots l'artillerie propagandiste de Bachar Al Assad. Inutile désormais de brandir la main de l'étranger et la manipulation pour discréditer ce conseil. Ses animateurs se sont fixé eux-mêmes les lignes rouges, sous forme d'un manifeste pour la liberté. «Le Conseil national syrien est ouvert à la participation de tous les Syriens. C'est un conseil indépendant qui incarne la souveraineté du peuple syrien dans sa lutte pour la liberté (…). Le Conseil rejette toute ingérence extérieure qui porte atteinte à la souveraineté du peuple syrien.» Tout est dit dans cet engagement qui dépasse largement les limites du patriotisme à deux sous des potentats arabes. En lisant le manifeste fondateur du Conseil national syrien devant des centaines de journalistes hier à Istanbul, Burhan Ghalioun a peut-être prononcé l'oraison funèbre d'un régime baathiste fossilisé. Pour cause, «le CNS est peuplé de tous les poids lourds et toutes les forces qui font le lien entre les composantes de la société syrienne», comme l'a souligné à juste titre la porte-parole du Conseil, Bassma Kodmani. Une sorte de gouvernement provisoire de la future République syrienne démocratique. C'est le souhait des millions de Syriens de vivre sous la direction d'une élite moderne éprise de liberté et de justice. Les puissances occidentales, qui ont laissé jusque-là le tueur de Syrie accomplir tranquillement sa sale besogne, sont mises devant leurs responsabilités historiques. Les membres du CNS leur ont tout de même fixé la ligne rouge à ne pas franchir pour éviter la liberté héliportée en Libye qui commence à s'éloigner comme une Arlésienne. L'image était en tout cas très belle hier à Istanbul : des élites politiques et intellectuelles syriennes affairées à trouver un remède à leur pays malade de son régime. Cela devrait donner à réfléchir aux intellectuels organiques et autres courtisans si nombreux en nos contrées…