Les résultats sont connus d'avance. Aujourd'hui, les Syriens sont invités à reconduire, par référendum, leur président, Bachar Al Assad, pour un second mandat de sept ans. Un simulacre d'exercice démocratique organisé un mois après les élections législatives, boycottées par l'opposition et remportées, comme prévu, par la coalition de partis au pouvoir dirigée par le Baâth. Dans la foulée, le Parlement syrien avait approuvé à l'unanimité la candidature unique du président Assad, 41 ans, désigné par le commandement national du parti. « Depuis cinquante ans, l'équation n'a pas changé, relève Bourhan Ghalioun, directeur du Centre d'études arabes sur l'Orient contemporain. Cette politique de contrôle absolu répond à une stratégie fondée sur la négation des libertés fondamentales pour mieux négocier avec l'étranger. La Syrie, comme l'Egypte, veut supprimer toute forme de contestation pour éviter que l'Occident — en particulier les Américains — ne s'en serve contre elle. Elle envoie ainsi un message : ‘'Vous n'avez qu'un seul interlocuteur. Si ce n'est pas nous, c'est Al Qaïda'' ». Alors que Hafez al Assad, le père, et même Bachar, du moins au début de son mandat, se sont toujours positionnés dans le bloc arabo-occidental contre Saddam Hussein, le fils s'emploie depuis quelques années à diaboliser Damas aux yeux de l'Occident. Ce changement de cap a débuté en 2003, lorsque « la Syrie s'est opposée à l'invasion américaine de l'Irak et, malgré une mésentente historique avec le Baâth irakien, a permis l'entrée sur son territoire de certaines personnalités irakiennes », comme le définit Judith Cahen, chargée de recherches à l'Institut français des relations internationales. Il s'est, de ce fait, placé « du mauvais côté de la barrière ». En réponse, Washington accuse Damas de chercher à déstabiliser l'Irak et le Liban. « La Syrie est dans une logique de rupture. Elle s'est inscrite, avec Téhéran, dans un nouvel axe de résistance face à la position occidentale et à celle des pays arabes modérés, précise Burhan Ghalioun. Ce qui a suscité une politique d'isolement de la part des Américains qui ont tout fait aussi pour faire tomber, en vain, le régime ». Bachar al Assad a aussi choisi de faire cavalier seul dans le processus de paix au Proche-Orient. « Il a accepté l'initiative proposée par les Saoudiens, poursuit le spécialiste de la Syrie. S'il ne se montre pas très enthousiaste, c'est parce qu'il pense que le plan n'a pas beaucoup de chances d'aboutir. Et préfère chercher des solutions unilatérales comme prendre contact avec les Israéliens et les Américains ». En envoyant des signaux forts à l'Occident, le président syrien se serait, pour Judith Cahen, aussi et surtout adressé aux pays arabes. « Pour faire comprendre que le monde avait changé et que la Syrie de 2003 n'était plus celle de 1991. Bachar veut regagner un rôle de leader arabe ». La stratégie fonctionne. Le poids géopolitique de la Syrie aujourd'hui est considérable. « Damas pèse, par exemple, dans la question des Territoires palestiniens, dans la mesure où elle accueille sur son sol de nombreux réfugiés, ajoute-t-elle. Il ne faut pas négliger le rôle de Khaled Mechaâl (chef du Hamas), résidant en Syrie, une personnalité influente depuis que le Hamas a gagné les élections municipales et législatives ». Occupation israélienne mais aussi crise libanaise, guerre en Irak, défi nucléaire en Iran… La région n'a jamais connu de crise aussi profonde et Bachar al Assad, au cœur des conflits, s'impose comme un interlocuteur-clé. « Quel que soit le dossier, on est dans l'impasse, résume Burhan Ghalioun. Les pays industrialisés cherchent la coopération syrienne pour trouver une porte de sortie à la crise ».