Entre deux actes du Festival de la chanson et de la musique kabyles de Béjaïa, Madjid Soula est venu nous entretenir de son expérience, de son absence et de ses aspirations. A la fois en colère et visiblement affecté par les obstacles qu'on a dressés devant lui pour l'empêcher de vivre activement sa vie d'artiste, depuis 1985, enthousiaste pour s'y accrocher, et paradoxalement encourageant à l'envi à l'égard des jeunes talents. L'homme «du combat» fustige les pouvoirs publics à qui il colle la responsabilité de l'indigence culturelle. Il conditionne la mise sur orbite de la production culturelle d'expression amazighe par l'amorce d'une volonté politique manifeste. Plus précis, il dit que «la chanson kabyle ne peut progresser si, politiquement, l'identité n'est pas pleinement reconnue». «A partir de là, assène-t-il, le ministère de la Culture a pour charge de promouvoir la chanson amazighe en général». N'ayant pas la langue dans la poche, il chargera encore le ministère de la Culture, en l'invitant simplement «à consentir, pour la chanson kabyle, la même chose que ce qui a été fait à la chanson raï». Indiquant au passage qu'il n'éprouve aucune animosité à l'égard de ce genre de musique. Plus incisif, il déclarera que ceux qui ont les clefs «avaient donné les moyens à la chanson sans consistance». Il s'agit, ajoute-t-il, que «ces moyens aillent maintenant à la relance de la vraie chanson kabyle». Madjid Soula pointera aussi du doigt le milieu du show business. Un chanteur ne peut évoluer seul, sans ce milieu. Dépité, il dresse l'amer constat de l'absence de producteurs de spectacles et d'éditeurs professionnels. Il évoquera son propre cas et l'ermitage duquel il ne serait pas sorti n'était l'aubaine du Festival de Béjaïa qui l'a invité. Il évoquera également, l'hommage rendu par le festival à Rachid Baouche, dit cheikh Abdelwahab «aurait dû intervenir il y a vingt ans de cela». Il déplore dans un registre analogue que des artistes qu'il estime et qui ont beaucoup apporté à la culture et à l'identité kabyles se soient retrouvés aujourd'hui au bas de l'échelle sociale. Enfin, l'enfant de Sidi Aïch est aussi venu parler de son dernier-né Akka akka qui sera dans les bacs dans les prochains jours, en France d'abord où le projet a pu se matérialiser avec l'aide accordée par des amis qui «ont à cœur» de toujours mettre un nouveau produit de notre identité sur le marché. C'est un travail de 5 ans et qui aura coûté la bagatelle de 9000 euros. Des titres puisant dans les thèmes de la jeunesse, le désespoir, le refus du suicide, l'amour, l'abnégation des femmes, un dialogue controversé avec la passion de la chanson… Un produit à écouter pour la qualité des mélodies et des arrangements et la beauté des textes.