«Quand on perd un patrimoine, c'est irréversible, c'est perdu pour de bon.» L'association Bel Horizon, qui œuvre pour la sauvegarde du patrimoine oranais, a fêté, samedi dernier, au Théâtre régional d'Oran, son dixième anniversaire, et à cette occasion, le groupe Raïna Raï a été l'invité d'honneur. C'est devant une assistance composée d'amis ou des membres de cette association patrimoniale que le spectacle s'est déroulé pendant deux bonnes heures. Pour rappel, c'est dans le contexte de la célébration du 11e centenaire de la fondation d'Oran que l'association Bel Horizon fut créée. Depuis lors, année après année, l'association s'est attelée à la publication de beaux livres sur les biens patrimoniaux, ainsi que la formation de jeunes guides pour sensibiliser tout un chacun sur l'importance de la sauve garde du patrimoine oranais. Ces dix dernières années, quelques centaines, sinon plus, de visites guidées ont ainsi été organisées à travers les sites et monuments historiques que compte la ville.Depuis 2006, des randonnées, menant de la place d'Armes au Fort de Santa Cruz, sont proposées, drainant chaque année un public de plus en plus nombreux. La plus spectaculaire des randonnées est sans aucun doute celle de cette année, qui a attiré pas moins de 20 000 participants. Du jamais-vu à Oran ! «La sauvegarde du patrimoine par la population reste notre objectif, dira Kouider Métaïr, président de l'association. Nous ne l'avons certes pas encore atteint, mais nous pouvons dire, avec fierté, que nous avons puissamment contribué, avec d'autres acteurs, à l'émergence d'une conscience patrimoniale oranaise.»L'association Bel Horizon se targue de s'être transformée, au fil des ans, en association composée typiquement de jeunes, étudiants en majorité. Leur but est de faire de cette association une école du patrimoine et de la citoyenneté, et par-là même «un instrument efficace pour la sauvegarde et la réhabilitation du patrimoine historique oranais». Bel Horizon est aussi connue pour avoir lancé de passionnants débats, notamment pour ce qui est du sort de la carcasse du Châteauneuf, qui abritera le futur siège de l'APC d'Oran, et auquel l'association a longtemps attribué le sobriquet, pour le moins édifiant de «la verrue d'Oran»Les membres de cette association pointent également du doigt «les adversaires du patrimoine oranais», dont leur hostilité est à caractère «idéologique» : «N'est patrimoine que celui dont l'identité est certifiée ‘‘açyl''». De ce fait, dans leur logique, leur boycot est justifié quand il s'agit des apports des autres civilisations dans la richesse du patrimoine. Ils dénoncent, aussi, ceux qu'ils appellent les technocrates gênés par le patrimoine dans leurs efforts de modernisation de la ville. Pour ces gens-là, la modernité c'est ressembler à Dubaï. Kouider Métaïr dira à ce propos : «Pour nous, la modernité et le patrimoine se conjuguent dans l'identité et le cachet de la ville, pour qu'Oran soit véritablement Oran, et non pas une ville qui ressemble aux villes champignons et artificielles du Moyen-Orient». Il finira par cette observation: «Quand on perd un patrimoine, c'est irréversible, c'est perdu pour de bon. Et comme c'est un héritage, on se serait comporté comme de mauvais héritiers, qui dilapident, à coups de bulledozers, ce que les autres ont mis tant de siècles à bâtir».