Trépas dans l'indifférence la plus totale d'un artiste ; Djilali Rezkellah alias Amarna ou encore alias Djilali Raïna Raï de l'ex-groupe mythique Raïna Raï a rendu l'âme, samedi soir, à l'hôpital de Sidi Bel-Abbès, où il se soignait depuis plusieurs mois contre un foudroyant cancer de l'estomac. Inhumé hier au cimetière de sa ville natale Sidi Bel-Abbès, le chanteur avait 49 ans. Il n'y a pas si longtemps, il était l'invité de l'émission " Voix d'Algérie " de la radio chaîne III, il a avoué avec plein d'humilité que dès sa guérison il proposera du neuf à son public. Viscéralement attaché à ses projets lyriques, ça fendait le cœur de l'écouter faire des projets alors qu'il était condamné. Le chanteur qui suivait depuis quelques mois des séances de chimiothérapie avait subitement rechuté cette semaine, et sans espoir il trépassa en présence de sa femme et ses quatre enfants. Au début de sa maladie, un nombre impressionnant d'amis et d'artistes avaient lancé sur la toile des appels de solidarité pour venir en aide au malade et à sa famille qui était dans le dénuement le plus total. Le montrant sur Youtube dans son lit, les appels impressionnants avaient donné leurs fruits, et les récoltes étaient allées directement pour l'achat des médicaments et pour l'aide à la famille. Disparu depuis des années de l'arène artistique, l'un des fondateurs du plus ancien groupe de raï qui a eu le vent en poupe dans les années 80, n'aura pas bénéficié d'une prise en charge à l'étranger. Son trépas tragique rappelle que chez nous la condition de l'artiste est plus que précaire. Les organisateurs des grands spectacles qui voient sans doute ce groupe comme étant dépassé ne l'ont jamais associé aux différentes rencontres tenues ici et là, et pourtant, les festivals et autres rencontres musicales existent par tonne depuis 2005. La dernière apparition sur scène de l'auteur de la mémorable, "Ya zina Serbi latay ", s'est faite lors du précèdent festival du raï à Sidi Bel- Abbès, le mois de juillet 2010. Il était en compagnie du guitariste Lotfi Attar et du batteur Hachemi. Reconnaissable sur scène avec sa paire légendaire de karkabou, ce chanteur s'était fait connaître dans les années 1980 par les célèbres chansons "Ya zina", "Oued Chouli" et "Lalla Fatima". La voix du crooner paraissait très affaiblie. "Je ne sais quoi dire, c'est peut-être là mon dernier spectacle. J'ai chanté ce soir pour mon public, celui qui m'aide à vivre et à affronter les dures réalités de la vie", déclarait-il à ce moment là. Prémonitoire ! Un petit groupe d'amis et de fans de cet artiste légendaire avait organisé, récemment, une soirée de solidarité au théâtre régional de Sidi Bel-Abbès, dont les recettes ont été versées à la famille du défunt. Djilali Rezkellah avait complètement enflammé les scènes artistiques dans les années 80, avec leur tube qui rappelait à la fois le raï ancestral et un raï nouveau, plus soft, auquel le groupe a insufflé un véritable sang neuf. A cette époque là, ils étaient présents à tous les rendez- vous, il n'ont pas connu de censure comme leurs alter ego, Remiti, Hasni, Zahwania dont la musique était considérée comme impure. Ce temps est certes révolu, mais chacun doit garder en mémoire les sublimes prestations, les tendres chansons qui faisaient crépiter tant de cœurs. Paix à l'artiste.