«C'est un cadeau, un privilège pour un artiste de vivre un moment comme celui-ci, car chez nous, il y a un grand manque de ce genre d'espaces et d'initiatives», a souligné Lotfi. «La chanson raï, est un point de vue percutant», a expliqué Lotfi Attar lors de la soirée organisée samedi dernier au cercle culturel Les Mille et Une news, initié par le journaliste H'mida El Ayachi. Le groupe légendaire qui enflamme les salles depuis vingt-neuf ans et qui s'apprête à fêter son trentenaire en 2010, Raïna Raï, a présenté une soirée rock, jazz et raï dans une salle trop exiguë pour contenir toute l'assistance à laquelle il a rendu la pareille par un joyeux déferlement de sons et de couleurs. Reprenant à sa manière les anciennes chansons comme Zina Diri Latay du chanteur Kada Ziri et Hmama de Blaoui Houari ainsi que quelques nouvelles productions toutes fraîches. Raïna Raï est un célèbre groupe algérien de la musique raï, originaire de la ville de Sidi Bel Abbès. Il a donné un souffle à la musique raï, à côté de l'orchestre national de Barbès, en mélangeant ce style de musique oranais à des rythmes gnaouis, chaâbis, rock, jazz... Son style qui mêle raï traditionnel et moderne a trouvé un large public conquis dès les premiers tubes sortis. Le groupe voit le jour en 1981, il a été lancé par d'anciens chanteurs des groupes, les Aigles noirs et Les Basiles sous l'impulsion d'un musicien de Sidi Bel Abbès établi en France, en l'occurrence Tarik Chikhi. «Le nom a été inspiré par celui du groupe marocain Jil Jalana», a encore annoncé notre interlocuteur. A cet effet, le chef du groupe Lotfi Attar déclare que «50% de la réussite de son groupe, le mérite, revient à une bande d'amis kabyles et français qui étaient à ses côtés durant son séjour en France». Le son de Raïna Raï est reconnaissable parmi mille grâce aux riffs du guitariste attitré, Lotfi Attar. Ils sortent leur premier album Zina en 1983 qui connaît un succès fou puis enchaînent avec d'autres albums qui les consacrent au sommet de la chanson raï moderne grâce notamment aux tubes Zina, Til Taïla ou encore Hagda qui animent les fêtes et soirées algériennes. Les membres de Raïna Raï interrompent leur carrière en 1992 avant de refaire surface et se reformer en 2001 pour donner naissance à l'album Datni. Tel le phénix qui renaît de ses cendres, les anciens membres du groupes et quelques nouvelles recrues reprennent le chemin de la chanson et musique. La situation de léthargie que traverse le groupe interpelle ces artistes qui ont marqué par leur touche l'histoire de la musique algérienne et son évolution. En effet, le pilier du groupe, en l'occurrence Lotfi Attar, sait que personne n'est indispensable mais la formation doit être de mise, surtout que certains membres ont quitté la formation, en laissant la place à de nouvelles recrues qui ont apporté un nouveau souffle sous sa houlette. «Nous sommes à la quatrième génération», a-t-il déclaré dans ce sens. Pionnier d'un genre nouveau dans un monde en pleine révolution culturelle, Raïna Raï a donné naissance à une musique psychédélique, mêlant le réel à l'onirique, l'humain à l'artificiel, l'émotion à l'agressivité, dans un contexte ésotérique et surréaliste. Raïna Raï est aussi un groupe d'avant-garde dont les oeuvres ont une portée culturelle et identitaire assumée. Quant au groupe Raïna Raï (new look), avec une composante de jeunes à l'instar de Dahmane (saxophoniste), Nourdine (percussioniste), Saddik (vocaliste), Fouzi au clavier et toujours sous la houlette du majestueux guitariste Lotfi, il a été accueilli chaleureusement. Aussi, les artistes impressionnés et sans aucun doute émus, pour aussitôt «casser la glace» si on peut dire, malgré la chaleur de la soirée, avant de s'adresser au public en le remerciant de s'être déplacé pour ce spectacle si particulier. «C'est un cadeau, un privilège pour un artiste de vivre un moment comme celui-là, car chez nous, il y a un grand manque de ce genre d'espaces et d'initiatives», a souligné Lotfi. En tout, une vingtaine de chansons qui prennent une sonorité hors pair avec autant de voix qui les modulent plus souvent qu'autrement en douceur, mais certaines avec une force éblouissante. C'est le cas en particulier de Saddik qui clôture la soirée en apothéose avec une chanson jazz. Ces rendez-vous culturels ont été, de l'avis de nombreux présents, une occasion unique de reprendre les rênes de la vie culturelle et de rehausser l'image d'une société qui avance, et d'une ville appréciée de tous pour son caractère chaleureux et hospitalier. Forts de cette expérience, les acteurs de la culture doivent méditer.