On a beau tenter de sortir des arguments comme la décennie noire (le terrorisme) pour justifier la régression politique et le détournement impudent des acquis d'Octobre 1988, personne n'y croit. Désabusés, les Algériens constatent amèrement que ce qui a été arraché dans le sang –la liberté et le pluralisme politique – leur a été presque repris ou plus précisément a été totalement vidé de sa substance. La régression a été telle qu'en 2011, 23 ans après, les Algériens se sont remis à la lutte pour reprendre les acquis perdus. 23 ans après, le souvenir d'Octobre 1988 intervient dans un contexte marqué par la chute de certaines dictatures dans le monde arabe et, du coup, cette date qu'on a bien essayé de galvauder réapparaît comme un moment important dans l'histoire des luttes démocratiques dans le pays. Certains esprits malveillants, d'autres par coquetterie élitiste, divisent encore sur la nature et les origines de ce moment, souvent pour réduire la portée de ce mouvement. «Révolution, lutte de clans ou chahut de gamins», la réalité est bien là : Octobre avait ouvert une parenthèse ; les tenants du pouvoir ont vite fait de la refermer. 23 ans après, on se retrouve encore à revendiquer le droit de faire de la politique à travers un hypothétique agrément que le pouvoir avait cessé de servir. 23 ans après, l'Algérie est le seul pays – aux côtés de la Corée du Nord et de la Syrie – qui bloque l'ouverture de l'audiovisuel à la libre expression et l'autorisation de créer des chaînes de télévision et des radios privées. Si le régime algérien donne l'apparence d'être perméable aux idées de démocratie et de progrès, au fond et dans la pratique, il n'est autre qu'une dictature à l'ombre de laquelle a prospéré l'arbitraire, les passe-droits, la pensée unique, l'exclusion et la corruption. Octobre était porteur d'espoir, d'idéal démocratique avant que le rêve ne se transforme en cauchemar. Le fleuve a été bel et bien détourné. 23 ans, un quart de siècle presque, souvent le temps que prennent les nations pour se construire ou se reconstruire. L'Algérie a pris le chemin inverse. Coincée entre la tentation totalitaire, l'incompétence et la corruption généralisée, le pays semble bien pris dans un engrenage infernal de régression, conséquence des errements d'une classe dirigeante plus soucieuse de se maintenir au pouvoir, pour elle synonyme de privilège, que de stopper la dérive. Combien de fois on a révisé la Constitution depuis Octobre 1988, qui avait donné naissance au pluralisme politique et à liberté d'expression ? Combien d'élections que l'Algérie a organisées et qui n'aient pas été contestées et entachées de fraude ? Aucune ! Ceux qui ont eu à gérer le pays ne lui ont offert aucune visibilité. 23 ans après Octobre 1988, on est encore dans le flou. Il faut donc revisiter Octobre, en tirer les leçons pour mieux voir !