La reine berbère Dihiya (660 après J. C.- 702apr. J.C.), que les historiens arabes désignent par le surnom ‘‘Kahina'', est une femme vaincue, mais ce sont ceux qui l'ont vaincue qui ont écrit son histoire», a dit Mme Zineb Ali Benali, professeur de littérature française à l'université Paris 8. Un fait qui prête à équivoque sur tout ce qui a été écrit sur le règne et la personne de la «devineresse». Intervenant sous le thème «La Kahina, transmission et rupture», aux journées d'étude organisées le 1er et 2 octobre, par la maison de la culture de Tizi Ouzou en collaboration avec l'association culturelle et scientifique ACSK de la wilaya de Khenchela, Mme Ali Benali, a estimé que «les seuls documents qui racontent l'histoire de Kahina sont de ceux qui la vénèrent. Mais l'histoire est une certaine narration des faits qui revêt une signification politique, symbolique et poétique d'un événement». Ceux qui ont écrit son histoire, parmi les conquérants arabes, ne pouvaient que démystifier ce pan de l'histoire parce que «Dihiya est d'abord une femme de commandement qui gagne des batailles, et elle n'était pas monothéiste, mais superstitieuse ; les Arabes qui l'ont combattue ne pouvaient pas admettre cela». A ce propos, Boulaâres Khemify, spécialiste en histoire islamique à l'université de Sétif, prévient: «Il faut faire très attention. Il faut prendre avec des pincettes les ouvrages orientalistes et même certaines références algériennes qui sont allées jusqu'à s'interroger, dans un ouvrage, sur l'existence du personnage de Kahina , lors de vos lectures ou vos recherches». «Dans mes recherches sur ce personnage, j'étais étonné de découvrir que dans les ouvrages d'histoire qu'ils soient occidentaux, orientaux ou berbères, l'histoire des femmes combattantes est parcellement occultée», ajoute le spécialiste en histoire. M. Boulaâres s'est penché dans sa recherche scientifique sur «La stratégie militaire de Kahina» évoquant le sens de l'organisation, l'intelligence, la technicité et le courage de cette résistante amazighe. «Kahina ne combattait pas de façon anarchique, elle était bien organisée. L'une de ses premières techniques de guerre, qu'elle avait adoptée, est la politique de la terre brûlée afin de couper les vivres aux conquérants arabes. Dihiya avait compris que les Arabes venaient pour dilapider les richesses de l'Afrique du Nord, ce qui était vrai. Elle était très attachée à sa terre plus qu'elle ne l'était aux biens matériels. Dihiya prenait en chasse ses ennemis, les espionnes. Elle avait une force de mobilisation enviable, d'autant plus qu'elle respectait les règles de la guerre». Dihiya prend la relève de la résistance amazighe à partir de 688 après J.C. et réussira à infliger une défaite militaire aux armées de Hassan Ibn Noaman, à oued Nini (nord de Khenchela) en 696 après J.C. avant que ce dernier se venge en tuant Kahina dans une bataille à Bir El Ater (Tébessa) en 702 après J .C. De son côté, Dr Saïd Chemakh, enseignant de tamazight, qui a présenté une communication sous le thème «Résistance ou soumission», a souligné qu'il y a une prise de conscience de s'approprier l'histoire qui n'a jamais été écrite ni enseignée. Mais le nom de Kahina a survécu à la mystification grâce au travail des chercheurs convaincus de la cause nationale, et en particulier de la cause amazighe. Des initiatives d'artistes, comme celle du chanteur kabyle Matoub Lounès et Ferhat M'henni qui ont chanté La Kahina. Il y a lieu de citer, également, le dramaturge Kateb Yacine pour sa pièce théâtrale qui a été jouée et traduite par d'autres hommes de théâtre. Mme Ali Benali a rebondi à ce sujet et a dit : «Il faudrait un projet que piloterait une équipe pluridisciplinaire composée d'artistes, de sémioticiens, d'historiens, d'universitaires afin de rétablir l'histoire d'une résistante comme Dihiya». Notons enfin, que les participants se sont accordé à dire que s'attarder sur la confession de Kahina est un faux débat qui met le voile sur son combat, ainsi que les valeurs de la femme qu'elle incarne. Les travaux des deux journées ont été clôturés par deux communications, dont «Lettre écrite à Dihiya», rédigée par Abdelhamid Kanouche, professeur et chercheur à l'université de Annaba. Et enfin, la communication de Tayeb Djallal, président d'ACSK qui a développé le thème : «La nécessité d'entamer des fouilles dans le site archéologique de Baghai et son rôle dans le développement local».