Le temps d'une reconnaissance officielle de cette tragédie, dont la mémoire est aussi bien française qu'algérienne, n'est-il pas enfin venu ? N'est-il pas temps de rendre justice aux victimes qui habitaient et vivaient en France et dont les enfants sont aujourd'hui citoyens français ? L'histoire du FLN historique, de Tunis, à Paris et dans les wilayas de l'intérieur ne doit-elle pas être débattue en toute sérénité ? Du côté algérien, le 17 Octobre 1961 est consacré Journée officielle de l'émigration en 1968, et il faudra attendre les événements d'octobre 1988 pour que la manifestation sorte du cadre commémoratif officiel. Alors que la consultation d'archives, si elle devient possible en France, bien que certaines restent soumises à dérogation et de nombreuses autres ont disparu, en Algérie, leur abord est encore problématique. Et comme le souligne l'historien Gilles Manceron : «… Il est fréquent que l'accès aux archives relatives au mouvement national, en raison des effets cumulés des lobbies mémoriels, des blocages bureaucratiques et des nombreuses incompétences soit plus difficile qu'en France.» Dans ce dossier consacré au cinquantième anniversaire du 17 Octobre 1961, qu'El Watan publie à partir d'aujourd'hui, des acteurs, des témoins, des historiens et des personnalités attachées aux valeurs de liberté et de justice abordent ces questions essentielles. «Les demandes de reconnaissance symbolique que peuvent exprimer les Algériens acteurs d'Octobre 1961 s'adressent autant à l'Etat algérien que français», soulignent les historiens britanniques Jim House et Neil Mac Master (Bilan du 17 Octobre 1961. Colloque Pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l'histoire franco-algérienne, 20-22 juin 2006, Lyon – ENS LSH 2007), cités par l'historien Gilles Manceron. «Reconnaître les crimes du 17 Octobre 1961, c'est aussi ouvrir les pages d'une histoire apaisée entre les deux rives de la Méditerranée. En 2012, l'Algérie fêtera cinquante ans d'une indépendance qui fut aussi une déchirure française. A l'orée de cette commémoration, seule la vérité est gage de réconciliation», estiment d'éminentes personnalités françaises et algériennes dans un appel du journal en ligne Médiapart. Pour sa part, le Collectif 17 Octobre qui demande «vérité et justice» considère qu'«on ne construit pas la démocratie sur des mensonges et des occultations».