Le rachat de l'opérateur de téléphonie mobile Djezzy par le gouvernement algérien semble prendre une nouvelle tournure. Chacune des parties prenantes du dossier veut sortir de la logique de confrontation, qui les a opposées jusque-là, pour discuter d'une solution de sortie de crise à l'amiable.Le ministre des Finances a, dans ce sens, confirmé hier l'entame de négociations avec le groupe russe de télécommunications Vimplecom pour parvenir à un accord sur la question.Si Karim Djoudi a insisté sur l'attachement du gouvernement algérien à l'option d'achat de Djezzy et de son droit de préemption, ses propos trahissent un changement radical de la perception des Algériens quant à leurs rapports avec l'opérateur russe. Le ministre, qui a indiqué avoir reçu, dimanche, les responsables du groupe Vimpelcom à «leur demande», a précisé que «ces partenaires» souhaitaient «discuter d'un certain nombre de choses», notamment le rachat de Djezzy. Ne voulant pas rentrer dans les détails concernant les «éléments de négociations et de discussions à mettre en place», avant de parvenir à un accord, M. Djoudi a insisté sur le fait qu'il faut prendre en compte un élément de taille : «Vimplecom détient le holding Wind qui possède la majorité d'OTH et OTH dispose de Djezzy.» S'il peut paraître anodin à première vue, ce dernier aveu du ministre est lourd de sens, dans la mesure où il constitue un recul par rapport au discours souverainiste qui a caractérisé les interventions des représentants du gouvernement au moment de l'annonce par Orascom Télécom Holding de son intention de vendre une partie de ses actifs à un groupe international. Au lendemain du rachat par Vimpelcom de Wind, lequel détient 51% d'OTH, le ministre des PTIC, Moussa Benhamadi, avait martelé qu'il était hors de question pour l'Algérie de négocier quoi que ce soit avec les Russes. La logique était simple : l'Algérie a accordé une licence aux Egyptiens d'OTH sous des conditions règlementaires bien précises. Si le partenaire égyptien ne respectait pas ses engagements en ce qui concerne la propriété de la licence GSM, il revient à l'Algérie d'user de ses droits, notamment de préemption pour racheter l'opérateur. Position qui n'a pas été du goût des Russes, qui ont d'abord tenté une collusion politique lors de la visite du président Dimitri Medvedev à Alger, il y a un an. Déboutés, les responsables de Vimpelcom ont menacé les Algériens de recourir à l'arbitrage international. Au-delà de l'interlocuteur, l'autre point d'achoppement concernait le prix d'acquisition de l'opérateur. Les Russes de Vimpelcom avaient d'emblée affiché leurs prétentions. Il n'était pour eux pas question de lâcher Djezzy à moins de 7,8 milliards de dollars. Un prix jugé excessif par les Algériens, d'autant plus que certaines expertises, comme celle de la Deutsch Bank, situaient le prix à 3,5 milliards de dollars. Et c'est après un certain nombre de couacs de départ que le gouvernement algérien a fini par lancer le processus de sélection d'un cabinet d'affaires devant l'accompagner dans la transaction. Processus grâce auquel le ministère des Finances a sélectionné en janvier dernier Shearman and Sterling LLP France pour se charger de l'évaluation de Djezzy. On avait même promis une «nationalisation» de l'opérateur durant le premier semestre 2011. Cependant, l'opération a traîné en longueur, et les résultats n'ont à ce jour pas été divulgués. Le russe Vimpelcom a finalisé son pacte d'actionnaire et mis la main sur Wind, OTH et, par ricochet, sur Djezzy sans que les Algériens ne puissent faire de propositions pour le rachat de l'opérateur.Le revirement actuel du gouvernement traduit-il une prise de position pragmatique ou est-il issu d'une prise de conscience du fait accompli ? La question mérite d'être posée, d'autant que les négociations entamées cette semaine avec Vimpelcom pourraient remettre en cause toute la démarche entreprise depuis janvier 2011. L'évaluation commandée par le ministère des Finances concernant le patrimoine de Djezzy pourrait n'être qu'un élément susceptible d'éclairer la négociation, au lieu d'être le fer de lance des positions algériennes.