Comme on se retrouve ! N'est-ce pas l'essentiel finalement, trouver et retrouver étant des verbes affectionnés par la culture qui partage le premier avec la science. Mais bon, trêve de retrouvailles, amis lecteurs et lectrices, et retrouvons nos pensées plus ou moins parallèles.La semaine dernière, le cinquantenaire du 17 Octobre 1961 a constitué un moment fort de l'agenda symbolique de l'Algérie. On y a retrouvé toute l'horreur de cette «nuit noire» à Paris pour reprendre le titre du film d'Alain Tasma. Un philosophe – qui donc, ô mémoire traîtresse ? – se désolait que le génie humain ait des limites et que la bêtise n'en ait point. De même, quand la bonté se fait chiche, l'horreur se montre exponentielle. Saviez-vous, je l'ignorais pour ma part, que des jeunes filles et des enfants avaient été aussi jetés à la Seine ? C'est ce que révélait à la radio Me Ali Haroun, qui faisait partie des organisateurs de la manifestation. Toujours selon ce témoignage, on a retrouvé, cette nuit, dans un commissariat parisien, couvert d'ecchymoses résultant de son passage à tabac, un Algérien malgré lui, en fait Colombien et écrivain de son état, devenu plus tard prix Nobel de littérature, pas moins que Gabriel Garcia Marquez. Lui qui a fait la trouvaille d'un genre littéraire, le réalisme fantastique, l'a peut-être pressenti en ces moments-là, battu comme plâtre, accusé par un policier malin d'être un Oranais simulateur ayant appris l'espagnol auprès de ses voisins ! Elémentaire, mon sinistre Papon ! Qu'est-ce qui peut bien ressembler le plus à un Algérien hispanisant, rusé et nationaliste qu'un Colombien métis, écrivain et journaliste ? Si la génétique a des limites, le délit de faciès n'en a aucune. Chose piquante, l'écrivain était alors sur le manuscrit de son roman, La Mala Hora (La mauvaise heure) dont l'histoire commence un 5 octobre, jour où débuta à Paris le couvre-feu ségrégationniste imposé aux Algériens. Gabriel Garcia Marquez vit aujourd'hui à Mexico. C'est de cette ville que nous est venu le buste d'Emiliano Zapata qui trône désormais au quartier des Fusillés d'Alger, endroit bien choisi si l'on considère la fin terrible du grand révolutionnaire mexicain. Les anciens le connaissaient à travers Marlon Brando dans le film d'Elia Kazan (scénario de John Steinbeck, s'il vous plaît). Ils le retrouvent, près de 60 ans après, son regard altier porté sur les alentours où flottent les ultimes effluves de brochettes des Abattoirs. Ainsi, par la grâce d'une réciprocité (l'Emir Abdelkader ayant son buste sur une place de Mexico), Alger renoue avec les appellations internationales qui s'étaient arrêtées à Olof Palme. On pourrait pareillement imaginer à Alger, Oran ou Batna, une place Danton, en hommage à la Révolution française de 1789 qui, d'ailleurs, inspira plusieurs nationalistes algériens. Mais si l'esprit d'ouverture n'a pas de limite, la réciprocité en a bel et bien.