Un mois a suffi — 17 décembre 2010-14 janvier 2011 — aux Tunisiens, qui s'apprêtent à élire aujourd'hui leur première Assemblée constituante, pour changer leur sort et aspirer à un avenir meilleur. Ils se sont débarrassés d'une dictature qui les a pris en otages pendant 23 ans et ils tenteront de mettre en place les bases nécessaires pour la construction d'un Etat démocratique. La marche était trop longue et trop dure, mais le chemin à parcourir reste encore plus difficile. Retour sur les événements qui ont mis fin au système Ben Ali… Tout a commencé un certain 17 décembre 2010. Un jeune vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, protestant contre la saisie par la police de Sidi Bouzid de sa marchandise, s'immole par le feu. Deux jours plus tard, la contestation commence, d'abord contre le chômage dont souffre la majorité des jeunes Tunisiens. Depuis cette date, le mur de la peur est tombé. Les jeunes ont vite compris que la répression policière ne pourrait rien faire devant la mobilisation populaire. Le décès, le 5 janvier 2011, de Mohamed Bouazizi attise la colère populaire et des émeutes éclatent, trois jours plus tard, dans plusieurs autres villes du pays, notamment à Kasserine, Thala et Regueb. Conséquence : 21 personnes tombent sous les balles de la police de Ben Ali. C'était une provocation de plus. Car le recours à la répression n'a fait que consolider la détermination des jeunes Tunisiens à changer leur destin. Et la protestation prend encore de l'ampleur. Elle gagne la capitale, Tunis et sa banlieue, depuis le 11 janvier 2011. Le lendemain, 12 janvier, l'armée se déploie dans la capitale et dans la banlieue Ettadhamen, sans toutefois réussir à dissuader la foule des manifestants qui ne cesse de grossir. Le même jour, sentant la gravité de la situation, Ben Ali sort de son mutisme et annonce, dans un discours, son engagement à quitter le pouvoir en 2014. C'était trop tard pour lui. Les manifestations ne s'arrêtent pas. Le mouvement se radicalise et, pour la première fois depuis le début de la contestation, les jeunes demandent carrément son départ. «Ben Ali dehors» est scandé. En réaction, Ben Ali, dans une nouvelle tentative de contenir la crise, annonce, le 14 janvier, le limogeage de son gouvernement et la tenue d'élections législatives anticipées. Peine perdue. Ayant compris que les carottes étaient bel et bien cuites pour lui, Ben Ali décide, le même jour, de quitter non seulement le pouvoir, mais aussi le pays en prenant l'avion en direction de l'Arabie Saoudite. Le 15 janvier, le Conseil constitutionnel tunisien nomme le président du Parlement, Fouad Mebazaa, au poste de président de la République par intérim avec la mission d'organiser une élection présidentielle dans les 60 jours. Alors que le régime tunisien pensait avoir trouvé la parade à la déferlante populaire, la réponse lui est venue encore une fois de la rue. Conscients que le vrai changement ne viendrait qu'avec le départ de tous les symboles de l'ancien système, les Tunisiens poursuivent la protestation. Ils sont intransigeants. Ils font une véritable démonstration de force, le 25 février, en organisant une impressionnante manifestation (100 000 personnes) pour réclamer le départ du gouvernement dirigé par Mohamed Ghannouchi. Ce dernier démissionne le 27 février ; il est remplacé par Béji Caïd Essebsi. Le lendemain, le dernier ministre ayant servi sous Ben Ali, Mohamed Afif Chelbi, ministre de l'Industrie et de la Technologie, démissionne lui aussi. Il restait quand même un dernier symbole de la dictature Ben Ali. Il s'agit du parti du président déchu, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Celui-ci a été dissous par décision de justice, le 9 mars 2011. Auparavant, le 1er mars, le mouvement islamiste Ennahda de Rachid Ghennouchi, considéré aujourd'hui comme la première force politique du pays, a été légalisé. Le 24 mai, le gouvernement tunisien fixe la date du 24 juillet pour l'organisation de l'élection d'une Assemblée constituante, avant de la reporter au 23 octobre.