Des hommes de lettres, des dramaturges et des journalistes ont revisité, l'espace d'un colloque, les œuvres de l'auteur de Nedjma. Guelma De notre envoyé spacial omme prévu, c'est l'œuvre dramaturgique de Kateb Yacine qui a donné son thème à la 3e édition du Colloque international sur l'écrivain. La manifestation, initiée par l'association «Promotion du tourisme et action culturelle», et chapeautée par le ministère de la Culture et le wali de Guelma, a débuté mardi dernier et prendra fin aujourd'hui 27 octobre. C'est une assistance relativement nombreuse qui a suivi, avant-hier, avec un sérieux et un intérêt marqués les différentes communications de ce premier jour du colloque. Rachid Boudjedra, qui a animé les débats, saluera en Kateb «Le maître qui (lui) a ouvert les portes de la littérature universelle», ajoutant qu'il a lu Nedjma à l'âge de 14 ans. Il rappellera également que tout comme Kateb, il fut, à un moment, interdit d'écriture en Algérie. Il déclare, entre autres, qu'il a été, dans les années 1970, à l'origine de la nomination de Kateb comme directeur du théâtre de Sidi Bel Abbès, ce qui lui vaudra quelques remarques acerbes, en aparté, de la part de plusieurs personnes, dont la sœur de l'auteur de Nedjma, Fadéla Kateb. Cette dernière n'a pas non plus apprécié la tenue d'une vente-dédicace en même temps que le Colloque (en l'occurrence celle de H'mida Layachi pour son ouvrage sur l'auteur, portant le titre de Prophète de l'insoumission, car, s'indigne-t-elle, «ce n'est ni plus ni moins qu'une récupération mercantile du nom de Kateb Yacine». L'écrivain Ahmed Cheniki rappellera que de son vivant, Kateb n'avait pas été autant sollicité, car «mort, il devient trop peu subversif». Allant dans le sens du thème pour lequel il a opté, «Les jeux de l'emprunt dans le théâtre populaire de Kateb Yacine», il évoquera le refus de l'écrivain de reproduire le théâtre français et/ou européen, se reconnaissant plutôt dans la pure tradition de la Grèce antique, d'Eschyle à Sophocle, qui conviait toute la cité à regarder, relevant l'exemple du Cercle des représailles, qui se déroule en 24 heures, comme dans le théâtre antique. «La tragédie de Kateb est celle des blessures de l'homme algérien, empruntée de l'espace grec, où se retrouvent le mythe tribal et la mort qui donne naissance à la vie», commente-t-il. Bouziane Benachour, journaliste à El Watan, dramaturge et critique de théâtre, lui, justifie le choix de l'écrivain pour la langue dialectale par le contexte conjecturel des années 1970. «C'est un théâtre du combat, affirme-t-il, et de la critique sociale qui bouscule sans ménagement les versions édulcorées du théâtre en boîte, le théâtre en circuit fermé… Il (Yacine) clame son désaccord et parle avec colère envers et contre tous ceux qui ont trahi le pays de Syphax, de Massinissa et de l'Emir Abdelkader». Ainsi, le texte katébien, tel un palimpseste, superpose et déploie, sans cesse, d'innombrables et diverses interprétations. Karima Belkhamsa, de l'université de Béjaïa, évoque «La mort et la vie dans le théâtre de Kateb Yacine», à travers Le cadavre encerclé. La jeune femme note l'engagement de l'écrivain, pour qui «il est nécessaire de mourir pour revivre dans la dignité». Mustapha Séridi, professeur de lettres arabes, le doyen des érudits de Guelma, avec son fez crânement planté sur la tête, et un humour décapant, aborde «le concept du théâtre arabe». Pour cet homme de culture, le Keblouti est un «casseur de tabous qui a jeté aux ordures le théâtre de la soumission, croyant à la culture des peuples», (Mohamed prends ta valise), ajoutant que l'effort individuel peut changer la vie de ces mêmes peuples. Pour clore la série de conférences ayant suscité un débat passionné, des poèmes du peintre plasticien Kamel Yahyaoui, par ailleurs neveu du grand Issiakhem, ont été joliment déclamés par une parente de ce dernier. Il expose une dizaine de toiles d'art contemporain dans le hall du cinéma sous le titre katébien : «Les ancêtres redoublent de férocité».