De retour de Jordanie où s'est tenu, fin septembre, le Conseil des ministres arabes du Tourisme, Smaïl Mimoune développe sa stratégie pour promouvoir la destination Algérie. - Vous venez d'effectuer une visite en Jordanie et en Corée du Sud, quel est le résultat de votre mission ? Mon déplacement en Jordanie s'inscrit dans le cadre de la participation de l'Algérie à la 14e session du Conseil des ministres arabes du Tourisme en marge duquel s'est tenue également une rencontre économique sur le tourisme. En plus d'une participation active aux travaux de ces deux rencontres, notre présence en Jordanie nous a permis de renouer des contacts avec des personnalités influentes, à savoir le secrétaire général de l'Organisation mondiale du tourisme et le président de l'Organisation arabe du tourisme. Les discussions ont porté, notamment, sur l'appui à apporter au processus de développement du tourisme en Algérie. - Les ministres arabes du Tourisme viennent d'opter en faveur de l'Algérie pour abriter la prochaine édition de cette manifestation touristique… L'Algérie a été retenue à l'unanimité pour abriter, en 2012, deux importantes opérations. La première concerne l'organisation de l'opération «Découvre ton pays», qui permettra à de jeunes représentants des pays arabes de découvrir la destination Algérie. La seconde, qui sera organisée en marge de la 13e édition du Salon international du tourisme et des voyages à Alger aura trait à la tenue d'un atelier de réflexion sur le thème «Vers le tourisme vert». - Dans quel état avez-vous trouvé le secteur du tourisme algérien à votre arrivée ? Ces dernières années, le tourisme en Algérie a amorcé une réelle dynamique de développement, dans le cadre d'une vision claire, adossée à une stratégie réaliste et ambitieuse en même temps. Les preuves de ce dynamisme sont nombreuses. Je me contenterai de citer, à titre d'exemple, l'augmentation des flux touristiques de presque 10% chaque année, ce qui dénote le regain d'intérêt de la part des marchés internationaux pour la destination Algérie, et le début de réalisation, pour les trois années à venir, d'une offre d'hébergement additionnelle de quelque 65 540 lits nouveaux. La capacité actuelle d'hébergement étant de 93 000 lits. - Tout le monde a le sentiment que le tourisme n'est pas une priorité du gouvernement en Algérie. Un haut responsable avait déclaré que notre pays a une vocation touristique, mais uniquement sur le papier. Quel est votre commentaire ? D'abord permettez-moi de m'inscrire en faux par rapport à la citation que vous évoquez. Par ses potentialités et ses atouts naturels, culturels et sa position géographique, l'Algérie est bel et bien un pays à vocation touristique. Toutefois, elle est appelée à passer d'un statut de «pays à vocation touristique» à un statut de «pays touristique attractif et compétitif» à part entière. C'est justement l'objectif de notre stratégie de développement. Notre grand challenge est de réunir les conditions nécessaires permettant la transformation du formidable gisement que recèle notre pays en une offre touristique de qualité capable de faire réagir positivement les marchés. - Comparé aux pays arabes, en particulier nos voisins limitrophes, le secteur connaît un retard considérable. Quelle est votre stratégie pour atteindre le même niveau ? J'ai déjà parlé de l'existence d'une stratégie de développement du tourisme en Algérie visant à l'émergence d'une destination capable de satisfaire aussi bien la demande interne qu'internationale. Cette stratégie est très pratique et surtout réaliste, puisque d'une part, elle repose sur une identification objective des forces et faiblesses de notre tourisme et, d'autre part, elle est fondée sur une démarche concertée avec les professionnels du tourisme, des opérateurs et des collectivités locales, tout en prenant en considération l'évolution du tourisme, aussi bien interne, régional qu'international. - Les infrastructures du secteur sont vétustes et ne sont plus adaptées aux exigences actuelles. Vous avez décidé d'injecter des sommes d'argent considérables pour leur mise à niveau. Est-ce la bonne solution ? L'Algérie a opté d'une manière irréversible pour la construction d'une destination labellisée, fondée sur la qualité et l'excellence. Le concept de la qualité n'est pas pour nous un simple emballage de marketing ou des slogans creux, bien au contraire. Cet objectif doit trouver toute sa traduction sur le terrain à travers des actions concrètes et volontaristes. La modernisation des infrastructures d'accueil s'inscrit dans cette optique. Ce n'est pas une action isolée mais entre dans le cadre d'une démarche qualité globale, pour satisfaire progressivement aux exigences des marchés. Il faut noter également qu'au titre du programme de mise à niveau des infrastructures, il est prévu un montant de 790 millions de dinars pour le perfectionnement du personnel en place en vue justement d'assurer à l'avenir de meilleures prestations de services adaptées aux normes requises. - Les investisseurs algériens sont très réticents à placer de l'argent dans le secteur. Il y a trop de tracasseries administratives et le coût du foncier est devenu inabordable… Réticents, c'est vous qui le dites. Les chiffres prouvent le contraire, puisqu'on a enregistré, depuis 2008, le lancement de 610 projets. Ceci est la parfaite illustration de l'intérêt accordé par les investisseurs nationaux au secteur du tourisme. Nous n'avons, bien entendu, pas l'intention de nous arrêter là. Notre objectif est d'attirer le plus de promoteurs et de porteurs de projets possibles, grâce notamment à un travail d'accompagnement de proximité. D'autre part, les récentes mesures de facilitation à l'investissement décidées par le gouvernement ne manqueront pas de booster l'investissement dans le secteur du tourisme. - Les investisseurs étrangers sont très choyés par le pouvoir algérien, ce qui ne semble pas le cas pour les ressortissants algérien et les nationaux… Aujourd'hui, la distinction investisseur national/investisseur étranger est révolue. La différence se situe au niveau du sérieux du promoteur et la qualité de son projet. - Pensez-vous proposer de nouvelles formules pour inciter les Algériens à s'impliquer dans les activités du tourisme d'une manière directe et indirecte ? Le citoyen est au cœur de nos préoccupations. D'abord comme consommateur, car le développement du tourisme domestique est inscrit au même niveau de priorité que le tourisme réceptif. La destination Algérie que nous voulons bâtir est celle qui est capable de conquérir les marchés internationaux mais aussi de proposer, aux Algériens, des formules de vacances et de détente adaptées à leurs motivations et à leur bourse. Ensuite, comme acteur actif dans le processus de mise en tourisme de l'Algérie. La dissémination de la culture touristique est un élément fondamental, car l'essor de notre tourisme en dépend. Désormais, le tourisme est l'affaire de tous, notamment du citoyen, appelé à jouer un véritable rôle d'ambassadeur de l'Algérie touristique. - De quel type de tourisme peut-on dire que notre pays est en mesure d'affronter la concurrence ? J'ai parlé plus haut de l'existence d'une vision en matière de développement de notre tourisme. Cette notion n'est pas un vain mot, puisque nous savons avec exactitude ce que nous faisons et où nous allons. A court terme, le produit touristique, qui constitue la force de frappe de notre tourisme, est bien le tourisme de découverte et de dépaysement dans les espaces sahariens, complété par le tourisme culturel et urbain. A moyen et long termes, la priorité sera accordée au tourisme balnéaire, car toutes les études démontrent que la demande internationale restera concentrée à l'avenir sur le tourisme côtier. Bien entendu, nous ne négligerons pas d'autres formes comme le tourisme vert, le tourisme de niche et le tourisme culturel. Pour les nationaux, le tourisme de santé et de bien-être, le tourisme balnéaire et le tourisme à thèmes sont prépondérants. - Le tourisme saharien revient cher pour les nationaux. Alors que le parc du Tassili vient de rouvrir, des pays occidentaux et les Etats-Unis déconseillent à leurs ressortissants de se rendre en Algérie, particulièrement dans le Sud. Que faites-vous pour encourager le flux de touristes à se rendre au Sud algérien sachant que des milliers de familles vivent des activés du tourisme dans ces régions ? En ce qui concerne la place du tourisme saharien, nous cherchons à intensifier le travail de communication et de promotion afin d'informer le citoyen sur les opportunités de séjours touristiques dans les régions sahariennes. A œuvrer à la réhabilitation des produits qui ont fait leurs preuves dans le passé, tels que la boucle des Oasis et les jardins de la Saoura. La découverte de ces régions, qui ciblent les familles et les jeunes plus particulièrement, se fera dans des bus modernes et à des tarifs à la portée des bourses moyennes. Pour ce qui est du tourisme dans le grand Sud et s'agissant de déplacements touristiques, le prix du billet d'avion relativement cher, malgré le fait qu'il soit subventionné par les pouvoirs publics, ne permet pas, hélas, de proposer à la clientèle nationale des packages touristiques à des tarifs abordables. Pour contourner cet écueil, il est question d'encourager et de provoquer une véritable alliance commerciale entre les compagnies de transport aérien (Air Algérie et Tassili Airlines) et les opérateurs du Sud (agences de voyages et structures d'hébergement), qui devrait déboucher, à terme, à la mise en place de produits à des tarifs producteurs, dont la finalité n'est pas de dégager des bénéfices, mais d'enclencher un engouement de la part des citoyens pour le grant Sud. Pour ce qui est du volet du tourisme international, la priorité était de procéder, en concertation et en coordination avec les autorités concernées, à la réouverture des sites prisés par les marchés externes, à savoir le Tassili N'Ajjer et l'Ahaggar. Le secteur a mené, durant toute l'année, des campagnes de promotion, de communication et de relations publiques intensives, lors de la participation aux principaux rendez-vous internationaux des professionnels du tourisme notamment, afin de rassurer les partenaires et de reconquérir la confiance des marchés, sans oublier la mise en place, en concertation avec le ministère des Affaires étrangères, de nouvelles facilitations pour l'obtention de visa d'entrée en Algérie. Dans ce sillage, le ministère du Tourisme et de l'Artisanat a, et à maintes reprises, montré sa disponibilité à soutenir toute initiative émanant des opérateurs pour accélérer la reprise des flux dans les régions sahariennes. - Ailleurs, le tourisme spirituel est exploité judicieusement. En Algérie, ce volet est occulté, bien que les potentialités existent… Détrompez-vous, le tourisme cultuel est inscrit dans la stratégie de développement de notre tourisme comme une valeur sûre. A titre d'exemple, nous considérons que le produit saint Augustin peut nous ouvrir le marché américain, qui compte des milliers d'adeptes de cette personnalité mondialement connue. - Les coûts en Algérie paraissent plus élevés qu'ailleurs. Existe-t-il une coordination entre les différents opérateurs impliqués en amont et en aval ? Il n'échappe à personne que l'activité touristique se caractérise par sa transversalité : ceci veut dire tout simplement qu'en l'absence d'une coordination intersectorielle, le développement du tourisme risque d'être compromis. C'est pourquoi nous avons, dès le départ, privilégié la mise en place de canaux de communication et d'espaces d'action, aussi bien avec les opérateurs du secteur privé qu'avec les institutions et organismes publics directement ou indirectement impliqués dans l'activité touristique. Cette démarche a permis d'aplanir beaucoup de contraintes qui entravaient l'activité et de proposer des solutions créatives et consensuelles, pour booster notre tourisme, notamment en matière de transport touristique, de facilitations et de réalisation de nouveaux projets touristiques. - Ailleurs, on projette des actions en fonction des centaines de millions de touristes qui voyagent à travers le monde. Pensez-vous sincèrement que l'Algérie a conçu une stratégie pour se mêler à cette rude bataille qui consiste à attirer le maximum de touristes ? En Algérie, nous sommes en phase de mise en place des soubassements nécessaires à la construction d'une destination forte et durable. Nous ne sommes pas dans une logique exclusivement commerciale. Nous restons convaincus toutefois que l'Algérie dispose des atouts nécessaires pour s'imposer dans le futur comme une véritable destination alternative et d'avenir dans le bassin méditerranéen. Ceci nécessite des efforts, du temps et surtout l'implication de tous. - Quels sont les obstacles au décollage du tourisme en Algérie ? Il faut savoir donner le temps au temps, car les chantiers ouverts actuellement, notamment dans le domaine de l'investissement, de la qualité, de la communication, commenceront à avoir des effets palpables sur le façonnage de la nouvelle destination dans les années à venir. Notre conviction est profonde quant à l'avenir rayonnant de notre tourisme, tant la volonté des pouvoirs publics pour atteindre cet objectif est sans faille. - Quels sont vos arguments quand on vo us dit qu'il y a encore du travail à réaliser en matière de sécurité, de comportement et d'hygiène ? J'ai volontairement insisté sur le fait que le tourisme est l'affaire de tous, et c'est à nous d'œuvrer à la mobilisation du génie, de la générosité et du savoir-faire de notre peuple et de canaliser l'énergie de notre jeunesse au service du processus de développement de notre tourisme. Il est vrai que beaucoup reste à faire, mais si nous nous y mettons tous, la grande destination Algérie dont nous rêvons sera bel et bien une réalité. - L'Institut du tourisme à Tipasa est un projet à l'arrêt depuis des années. Que se passe-t-il ? Il ne s'agit pas de la simple construction d'un nouveau siège destiné à abriter l'Ecole nationale supérieure du tourisme. Au-delà du siège qui offrira bien entendu toutes les commodités matérielles nécessaires aux étudiants et aux équipes pédagogiques et administratives, notre ambition est d'ériger cet établissement en une grande école de notoriété méditerranéenne, qui sera connectée aux réseaux des grandes écoles internationales spécialisées dans le domaine. Un bureau d'études national a été choisi pour la réalisation de l'étude du projet. Par la suite, le cahier des charges a été approuvé par la Commission nationale des marchés publics. Après réception de l'étude, un avis d'appel d'offres national et international restreint a été lancé, suivi de la nomination et de la mise en place des deux commissions réglementaires, à savoir la commission de l'ouverture des plis et celle de l'évaluation des offres. Après étude des onze offres conformes aux conditions libellées par les cahiers des charges, la commission a conclu l'opération infructueuse. La procédure de traitement du dossier continue son cours conformément à la réglementation du code des marchés publics. - Alors que l'artisanat participe également au développement du tourisme et à la découverte des régions du pays, les artisans, eux, se sentent marginalisés… Vous avez raison de dire que l'offre touristique algérienne ne saurait être complètement attractive sans l'existence d'un artisanat de qualité. Il faudrait peut-être ajouter que l'artisanat est non seulement un facteur d'expression de notre identité et du génie de notre peuple, mais aussi un vecteur créateur de richesses. C'est pourquoi ce secteur fait aujourd'hui l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics qui ont dégagé des moyens importants pour son développement et mis en place de larges mesures de soutien et de facilitation au profit des artisans. De plus, l'organisation même du secteur a été réfléchie de façon à permettre les meilleurs encadrement et accompagnement possibles des artisans. Par ailleurs, des canaux de communication et de concertation entre les artisans eux-mêmes et entre les artisans et l'administration ont été mis en place pour développer, à leur égard, une écoute de proximité devant aboutir à la prise en charge réelle de leurs préoccupations. Nous œuvrons également à insérer les artisans dans une démarche favorisant la créativité et la production adaptée aux besoins et à l'évolution des marchés. Cette démarche favorise, par souci d'efficacité et d'équité, le rassemblement des artisans.