Tout a commencé au milieu de l'année 2003, lorsqu'un mouvement de redressement est lancé contre l'ancien secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Ali Benflis, candidat à l'élection présidentielle d'avril 2004. C'est la première fois que la violence fait irruption dans la gestion des différends politiques au FLN, habitué pourtant aux «complots scientifiques» qui se déroulaient généralement dans les coulisses et de manière pacifique. La force a été donc le facteur déterminant entre les mains du mouvement de redressement, né à Djelfa, à la veille de la présidentielle de 2004, à l'instigation de Abdelaziz Belkhadem, actuel secrétaire général du parti et ministre d'Etat, Amar Tou (ministre des Transports), Saïd Barkat (ministre de la Solidarité nationale), Rachid Harraoubia (ministre de l'Enseignement supérieur), Mahmoud Khodri (ministre chargé des Relations avec le Parlement), El Hadi Khaldi (ministre de la Formation professionnelle) et Mohamed Seghir Kara, ministre du Tourisme, mais qui n'a pas tardé à perdre son portefeuille et fait partie aujourd'hui du groupe des nouveaux redresseurs dirigé par Salah Goudjil, ancien membre du bureau politique. Tout a été utilisé pour empêcher Ali Benflis de se présenter à l'élection présidentielle : les machettes, les dobermans, la justice de nuit pour invalider le 8e congrès qui l'avait propulsé au poste de secrétaire général et le congrès extraordinaire d'octobre 2003 qui l'avait désigné candidat du parti à la magistrature suprême. Depuis, la violence est devenue une sorte de mode de fonctionnement du parti qui n'a jamais pu s'en remettre. Le FLN se retrouve totalement déstructuré. Et pour ceux qui connaissent bien «l'appareil», cette crise a provoqué, en réalité, une ligne de fracture entre deux visions politiques et dessiné une ligne de front entre deux tendances. La première est conservatrice, opportuniste, carriériste, jouant sur les positions de pouvoir. Elle est incarnée par Abdelaziz Belkhadem, un islamo-conservateur, et ses partisans qui se sont emparés par la force de la direction du FLN en 2004, grâce à l'appui, faut-il le souligner, du président de la République devenu, à l'issue du 8e congrès-bis, président du parti. La deuxième est celle qui a tenté d'amender le parti à partir 2001. Elle est représentée par l'ancien secrétaire général et candidat à l'élection présidentielle de 2004, Ali Benflis. Ancien ministre de la Justice dans les gouvernements successifs du défunt Kasdi Merbah, de Mouloud Hamrouche et de Sid-Ahmed Ghozali (il a démissionné de son poste en 1992 en contestation de la création des camps d'internement dans le sud du pays) avant de revenir aux affaires en tant que chef de gouvernement en 2001, Ali Benflis a procédé à «un profond rajeunissement du personnel du FLN» en prenant «une sérieuse option pour sa modernisation». L'ancien candidat à la présidentielle de 2004, soulignent d'anciens responsables du parti, «s'était entouré de jeunes cadres compétents, parmi eux des médecins, des avocats et des universitaires». Pour eux, «cette période constitue sans aucun doute l'âge d'or du FLN. Entre le FLN de Belkhadem et celui de Ali Benflis, il n'y a pas photo». Le vieux parti entre retour et décadence Pourquoi les militants lui sont toujours acquis ? Une partie de l'explication : ce dernier, qui a pris les rênes du parti en septembre 2001, soutient-on, et «après une excellente campagne électorale, a propulsé le FLN comme parti majoritaire avec 199 sièges au lendemain des élections législatives de mai 2002». En octobre de la même année, le FLN a «réussi, à l'issue des élections locales, à se faire élire à la présidence de 42 sur les 48 Assemblées populaire de wilaya (APW) et à la présidence de pas moins de 800 Assemblées populaires communales (APC)». Pour nos interlocuteurs parmi les militants du parti, «le FLN a pu faire élire, pour la première fois dans l'histoire de l'Assemblée populaire nationale, 19 femmes à l'APN». Et selon eux, Ali Benflis, «qui s'est construit une stature d'homme d'Etat, a imprimé au FLN une ligne qui le plaçait résolument dans la modernité et la démocratie». «Abdelaziz Belkhadem et ses soutiens en ont décidé autrement en détruisant tout le projet mis en place par l'ancien secrétaire général», regrette un cadre du parti qui a préféré rester «en retrait d'un parti qu'il ne reconnaît plus». «En plus de son profil has been, Abdelaziz Belkhadem, qui est arrivé dans les valises du président de la République, a conduit le FLN à sa perte.» Aux précédentes législatives, entachées d'ailleurs de fraude, le FLN n'a pu obtenir que 136 sièges à l'APN. «Si cela continue, il le conduira au musée», répondait un ancien secrétaire général du parti à un groupe de militants qui s'inquiétaient de la situation et de l'avenir de leur formation. Les répliques de la crise qu'il vit depuis plusieurs années n'ont pas cessé de se produire. C'est dans ce contexte, né de la confrontation entre les auteurs du coup de force de 2004 (Abdelaziz Belkhadem et son groupe) et «la direction légale et légitime» du parti menée par Ali Benflis, que sont nés les néo-redresseurs dirigés par Salah Goudjil, ancien membre du bureau politique. La majorité des membres de ce mouvement, qui jurent de faire tomber la tête du secrétaire général du parti – certaines sources indiquent qu'«au mois de janvier il fera partie du passé» – se recrutent dans son ancienne équipe. Ce sont en réalité les déçus de sa politique, qu'ils ont pourtant soutenue, qui sont soudain entrés en fronde contre lui. Curieusement, ils vont à l'encontre même des propositions de la direction du FLN, surtout en ce qui concerne le projet de révision constitutionnelle. Les néo-redresseurs proposent la limitation des mandats présidentiels, contrairement à l'avis de la direction sur le sujet. Et visiblement, l'activisme de Salah Goudjil et son groupe constitue une sérieuse entrave sur le chemin de Abdelaziz Belkhadem, qui ambitionne de se porter candidat à la prochaine élection présidentielle. On parle d'un congrès extraordinaire comme prochaine étape, pour mettre le SG du parti hors jeu. Ont-ils les moyens de le faire ? La question reste posée.