Dans un hôtel-restaurant du quartier Missara, à Bamako, au Mali, des figures connues du mouvement altermondialiste supervisent les derniers préparatifs de l'édition 2006 du Forum social mondial (FSM), qui s'ouvre aujourd'hui, jusqu'au 23 janvier, en terre africaine, pour la première fois depuis son lancement dans la ville brésilienne de Porte Allegre en 2001. Autour de l'écrivain malienne Aminata Traoré et de l'économiste égyptien Samir Amine, une dizaine de militants de différentes nationalités procèdent aux dernières retouchent sur le programme du forum et confirment la présence des principales personnalités et intellectuels altermondialistes au rendez-vous de Bamako. Mais sur les visages des uns et des autres se mêlent fatigue et tristesse, la veille de l'ouverture du FSM. « Un participant irakien de première importance vient de nous informer par courrier électronique qu'il ne participera pas. Nous sommes vraiment très déçus », confie, à l'APS, Mme Traoré, vêtue d'un magnifique boubou marron à rayures ocre. « Il nous reproche un ‘‘manque de sérieux'' alors que la faute en incombe totalement à une compagnie aérienne occidentale qui nous a promis des réductions sur les vols Paris-Bamako, avant de nous faire faux bond à la dernière minute », s'indigne-t-elle. L'absence de l'intellectuel irakien est durement ressentie, car « la dénonciation de l'invasion et l'occupation » américaines de l'Irak depuis mars 2003 constitue l'un des principaux thèmes du FSM de Bamako. « C'est très important. Sa présence était capitale », dit Samir Amine, debout à côté d'Aminata Traoré, assise, elle, sur un canapé en bambou au fond du hall de l'hôtel l'Auberge, qui pourrait facilement passer pour un musée d'art africain tant abondent dans les couloirs et les salles du rez-de-chaussée statuettes en bois, tableaux accrochés aux murs et tapis sur le sol. Le lieu abritant l'auberge, propriété de Mme Traoré, ainsi que le restaurant, est devenu depuis plusieurs jours le quartier général des organisateurs du FSM. Un chien sloughi au poil doré et à l'air intelligent monte la garde à l'entrée de l'hôtel, devant lequel sont amassés des dizaines de personnes, des Maliens pour la plupart, membres de l'équipe chargée de la logistique. Les imprévus et les difficultés liés à toute rencontre du genre du FSM - 30 000 participants sont attendus à Bamako - n'enlèvent, cependant, rien à l'enthousiasme de ces militants altermondialistes « endurcis ». « On se dope au jus de gingembre », plaisante Mme Traoré, en sirotant un verre de cette boisson à la couleur jaune et au goût âcre servie par sa fille Hawa. « Ce premier forum en Afrique constitue une excellente opportunité pour le continent africain de rendre compte des inégalités et des injustices liées aux conséquences désastreuses (de la mondialisation) imposée à nos pays », souligne-t-elle. Le mouvement altermondialiste « est peut-être le seul aujourd'hui où une résistance véritable à l'arrogance des nations riches est en train de se construire », estime MmeTraoré. APS