Pharmacienne de profession, Souad Abderrahim a été élue tête de liste de la circonscription de Tunis 2, pour le compte d'Ennahda. Tunis. De notre envoyée spéciale - Pourquoi vous êtes-vous présentée à l'élection de l'Assemblée constituante sous la bannière d'Ennahda ? Je ne suis pas militante d'Ennahda, je suis neutre, j'ai rejoint Ennahda parce qu'il a tendu la main à toutes les compétences tunisiennes, c'est un parti ouvert, je suis en accord avec son programme qui est conforme à la réalité sociale. J'ai connu Ennahda à l'université, j'ai vu que ses responsables sont sérieux, intègres et travaillent dans l'intérêt du pays, ils sont respectueux des femmes. Des femmes ont dit qu'elles ne voteront pas pour Ennahda, parce qu'à Ennahda il faut dire «Essalamou alaïkoum» et nous, on a envie de dire «ciao». Depuis que je suis avec Ennahda, de très nombreuses femmes non voilées comme moi ont demandé à y adhérer. En tant que femme, je suis au service des gens qui m'ont élue, je suis pour l'égalité des droits et des devoirs et pour que la femme prenne toute sa place. Ennahda ne parle pas au nom de l'Islam, il a un programme, il ne se définit pas comme un parti religieux, c'est un parti civil avec une référence religieuse. Il est pour les droits civils, pour l'ijtihad. Le port du voile n'est pas obligatoire, c'est une question personnelle, moi-même je ne suis pas voilée. Nous avons des principes, des références. Nous sommes musulmans. - Conserverez-vous le code de Statut personnel en l'état ? Nous voulons changer l'article relatif à l'adoption, car il ne correspond pas à la religion musulmane, et le transformer en loi sur la kafala. Et que pensez-vous de l'égalité en matière d'héritage comme le préconisent les associations féministes ? La disposition sur l'héritage ne changera pas, il y a un verset du Coran très clair à ce sujet. Les associations féministes qui demandent l'égalité en matière d'héritage ne représentent pas les femmes tunisiennes, elles sont minoritaires. Ce n'est pas la demande des Tunisiennes. Leur projet est d'inspiration occidentale, française. Ennahda est pour la complémentarité homme/femme, pour le partenariat. (ndlr : le propos se fait caricatural quand il pointe «ces femmes qui veulent imposer le mariage homosexuel»). Cela nous rappelle les discours du FIS, qui accusait les féministes algériennes qui revendiquaient, en 1990-91, l'abrogation de la polygamie et l'égalité des droits dans la famille, les désignant par dérision insultante de «femmes qui veulent épouser quatre hommes». - Quel commentaire faites-vous sur les dépassements imputés à des éléments islamistes ? On est contre toute forme d'agressivité. La tenue vestimentaire est personnelle. Les dépassements relèvent d'une situation qui n'est pas encore stabilisée, les choses rentreront dans l'ordre. Les extrémistes sont contre Ennahda qui est un parti très modéré. - Etes-vous favorable à la laïcité ? Pour nous, la laïcité ce n'est pas la rupture totale avec la religion. On ne veut pas que la religion domine l'Etat, mais on ne veut pas que la religion soit dominée par l'Etat. - Quelles sont vos priorités ? Ben Ali a engendré une génération apolitique, l'une de nos priorités sera l'éducation, le relèvement du niveau d'enseignement qui s'est considérablement dégradé, en favorisant la formation et la recherche scientifique. - Que sera la nouvelle Tunisie ? Elle sera arabo-musulmane. Son moteur sera un Islam moderne. Des projets politiques ont été importés de France comme la liberté totale de la femme, la défense des mères célibataires. Dans notre société, on ne peut défendre la mère célibataire, l'enfant qui porte le nom de sa mère, ce n'est pas conforme à notre identité tunisienne. D'autres partis ont soulevé de faux problèmes. Je défends la liberté d'expression dans le cadre des constantes et des valeurs sociales de la Tunisie et pas nécessairement musulmanes, mais une statue d'une femme nue sur une place publique, c'est non ! (ndlr : Souad Abderrahim fait allusion à un artiste qui voulait dresser une statue de nu féminin sur la place Habib Bourguiba). Je suis contre le radicalisme. - Et que pensez-vous de la dimension a-mazighe de la Tunisie ? C'est un faux problème. Il n'y a pas de régionalisme en Tunisie. Le peuple tunisien est homogène ; en Tunisie, il n'y a que des Tunisiens. Plusieurs facteurs ont favorisé la victoire d'Ennahda : c'est un grand parti bien structuré, il a des sympathisants, il n'a pas commis de fautes politiques. Ennahda a toujours été un parti populaire, bien implanté, il s'est prononcé pour la révolution. Ennahda a fait campagne sur son programme, alors que les autres partis ont orienté leur campagne contre Ennahda.