«Une autorité politique locale ou nationale tente au moyen d'un programme d'actions coordonnées de modifier l'environnement culturel, social, ou économique d'acteurs saisis en général dans une logique sectorielle.» P. Muller En 1994, les entreprises de productions cinématographiques publiques, CAIC, ANAF, ENPA ont été liquidées. Pour les remplacer, le gouvernement de l'époque a proposé aux salariés de ces entreprises de créer leur propres entreprises. Ainsi, plusieurs employés de ces entreprises, les réalisateurs en particulier, se sont lancés dans l'aventure. Cela s'appelle la privatisation.Mais dans un pays qui vient de sortir de plusieurs années de gestion socialiste, on a oublié que la privatisation suppose une réglementation du marché. Car produire, oui, mais pour quel marché ? quels sont les circuits de diffusion ? où trouver les financements ? C'étaient ces dispositifs de financement et de diffusion qu'il fallait déjà mettre en place à l'époque. Depuis deux décennies, nous assistons passivement à l'effondrement de notre environnement culturel. Mais nous cinéastes, producteurs, n'a-t-on pas une part de responsabilité, par notre silence et notre passivité ? Il est plus que temps pour que la raison, l'intelligence, l'imagination et la réflexion prennent leur place au moins dans l'environnement culturel. Notre secteur audiovisuel et notre cinématographie en particulier ont atteint un niveau tel que nous avons honte de montrer nos images. Les cinéastes, astreints aux projets alimentaires, s'éloignent de plus en plus de la création. La télévision continue à ronronner, sans grille de programme annuelle. Sans parler de fiction, cela fait des années que nous n'avons pas vu un documentaire de création algérienne sur nos différents canaux de diffusion. Une vraie télévision publique se doit de mettre en lumière notre patrimoine, notre culture et notre histoire. La télévision, qui doit être un organisme de soutien aux créateurs et aux producteurs, est devenue un business pour la mafia de l'audiovisuel. Quelle que soit la politique culturelle de notre pays, nous ne pourrons pas créer, avancer, sans l'aide de la télévision. Il est illusoire de penser qu'avec les seules subventions du ministère de la Culture, nous pourrons encore continuer à rêver de films. Pour une production audiovisuelle intelligente et patriote, nous devons être associés «collectivement» à toutes les décisions et réformes qui concernent notre profession. Notre pays a les moyens humains et financiers pour assurer un avenir florissant au secteur audiovisuel. Ne manque que la volonté politique pour y parvenir. Nous devons surtout réfléchir aux moyens d'assurer une pérennité à notre métier, en créant un véritable débat sur la production cinématographique et audiovisuelle. Et nous devons nous poser ces questions : -Pourquoi l'intervention publique dans la production cinématographique et audiovisuelle ? - Comment ? - Les mécanismes d'aide ; - Pourquoi et comment l'ENTV doit intervenir dans la production cinématographique et audiovisuelle ? A toutes ces questions nous devons réfléchir déjà nous-mêmes et apporter nos réponses. Nous devons : - Montrer que nous aimons ce pays et que nous ne sommes contre personne ; -Prouver que nous voulons juste mettre en avant la créativité, la combativité, l'histoire et la culture de notre peuple ; - Montrer l'étendue et la beauté de notre pays. Et seuls le cinéma et l'image sont capables d'un tel défi. Le cinéma est un lieu de mémoire, d'activité collective, mais le cinéma est aussi un lieu d'éducation esthétique qu'il faudra maintenir et renforcer. Un film est toujours ancré localement et socialement. Actuellement, ce sont les autres qui nous renvoient notre image, souvent déformante d'ailleurs, alors démontrons que nous sommes capables d'avoir une réflexion sur nous-mêmes, mais aussi sur le monde. Quelques réflexions en vrac : Mécanisme d'aide -Mettre en place une structure de financement professionnelle avec des soutiens conséquents. -Un fonds avec des sommes à attribuer chaque année, avec des commissions de professionnels qui fonctionnent à dates régulières. -Voir si ces commissions doivent se réunir 3 ou 4 fois dans l'année, mais toujours à dates régulières, quelles que soient les circonstances. Rapports producteurs/ télévision - Mettre en place une réglementation de soutien du cinéma par la télévision. -Cette réglementation doit poursuivre deux objectifs : 1- D'un point de vue purement financier, les obligations d'aides à la production doivent permettre de soutenir le marché algérien du cinéma et assurer son exportation. 2- D'un point de vue culturel, il est important de soutenir la création cinématographique, car cela permet de préserver notre identité culturelle. Seule une réglementation peut obliger la télévision à réagir, à assumer son rôle de vitrine du pays et à investir dans les œuvres créatives. Cette réglementation va permettre au secteur de la production cinématographique d'être sauvegardé et même de se développer. Cette réglementation doit aussi s'appliquer aux chaînes privées qui pourront exister dans le futur. - Arriver à un vrai contrat transparent et de confiance entre les producteurs et la télévision. Ce contrat doit être signé entre les associations représentant la profession et la Télévision - Inciter les pouvoirs publics à la création de chaînes thématiques indépendantes. - Donner plus d'indépendance et de moyens aux chaînes existantes. Le mécénat Inciter les entreprises publiques et privées à investir dans la création culturelle. Cela peut se faire en réfléchissant à la fiscalisation. La fiscalisation Il faut aussi convaincre les pouvoirs publics de l'intérêt de la défiscalisation du produit culturel. La formation - Réfléchir à la création d'une vraie école de cinéma qui formerait aussi bien des réalisateurs que des techniciens ; - L'accès peut être ouvert aussi bien aux nouveaux bacheliers qu'à des étudiants ayant déjà entamé une formation universitaire, - L'accès peut se faire sur concours, pour déceler la motivation des candidats. Et pourquoi ne pas encourager et soutenir la création d'écoles privées dans la réalisation, l'image et le son, le maquillage de scène et l'actorat. Pour un débat public Seul un débat public, avec tous les acteurs du secteur audiovisuel et cinématographique, peut nous aider à voir plus clair et à redémarrer sur des bases saines. Ces derniers temps, tout le monde dit n'importe quoi. Et on oublie que ce secteur est non seulement un lieu de création, où les auteurs doivent avoir une place privilégiée, mais aussi un secteur économique où les différents partenaires doivent se parler. C'est un secteur économique important qui peut générer des emplois à l'heure où on angoisse sur l'avenir des jeunes. Il n'y a pas d'un côté les gentils auteurs et de l'autre les méchants producteurs ou diffuseurs. Ce débat va surtout permettre de recenser nos forces et nos faiblesses et de réfléchir aux moyens de trouver une place de choix dans le monde audiovisuel et cinématographique. Ma conviction me pousse à croire que rien n'est perdu. Donc organisons ces journées sur la création, le financement et la diffusion. Il est temps que les différentes associations qui pullulent autour de ce secteur bougent et arrêtent les débats stériles et non productifs