«Mourir en combattant, c´est la mort détruisant la mort. Mourir en tremblant, c´est payer servilement à la mort le tribut de sa vie.» William Shakespeare "Extrait de La vie et la mort du roi Richard II" Au moment où l´Algérie enterre en silence ses cinéastes et ses responsables de cinéma, le dernier en date fut Smaïn Aït Si Selmi, ancien directeur général du Caaic et de l´Anaf, qui est passé de la lumière à l´ombre, le jeudi 26 novembre, la veille de l´Aïd el Adha, le cinéma algérien se fête avec faste, champagne et les youyous dans plusieurs manifestations d´hommage en France. A Alger, le cinéma algérien se meurt. La production cinématographique se transforme (faute d´argent) en production audiovisuelle, fragmentée en feuilleton pour la télévision à coups de milliards de centimes. Alors qu´en France les cinéastes algériens dits de «l´exil», se targuent de passer dans les festivals en Europe, représentant dignement cette Algérie qu´ils ont reniée et qu´ils critiquent avec des mots de haine et des images insultantes dans leurs films fabriqués pour un autre public. Et depuis quelques années, des hommages au cinéma algérien sont organisés ici et là, pour se rappeler l´existence d´un cinéma d´antan. Un cinéma créé pourtant par des entreprises publiques financées par le pétrole du pays et la politique du parti unique, qu´ils ont souvent critiquée dans leurs interviews et leurs interventions devant les caméras occidentales. Un cinéma algérien qui n´existe plus que grâce aux financements de la télévision, du ministère de la Culture et d´une entreprise publique créée pour, justement, installer le rayonnement culturel algérien, qui n´en est pas un. En lisant dans les colonnes d´un quotidien national, la confirmation d´un budget pour le dernier film de Bouchareb, plus de 3 millions d´euros, soit 30 milliards de centimes, offerts par l´Etat algérien sur un plateau d´or et d´argent à un cinéaste, qui consacrera peut-être 10 minutes à l´histoire de l´Algérie dans son film et qu´il oubliera de citer à la première occasion, à Cannes 2010, j´avais une pensée pour tous ces cinéastes algériens locaux, qui ont étudié en Russie, en Yougoslavie, en Pologne et en France, qui n´ont ni leur entrée au ministère de la Culture, ni au 21 boulevard des Martyrs et encore moins au ministère des Moudjahidine ou au département de Chakib Khelil, pour quémander une aide afin de réaliser leur film. Ces cinéastes, retraités forcés du Caaic, de l´Enpa et de l´Anaf, qui se lèvent le matin à 9h pour tenter de trouver un sachet de lait à 25 DA, des croissants pas trop cuits et une baguette de pain pour le midi. Ces cinéastes algériens, terrassés par l´angoisse et le désespoir de faire un film après 10 ou 15 ans après leur dernier tour de manivelle. Des cinéastes algériens, qui restent accrochés aux jupons de certains responsables du secteur, mettant de côté leurs valeurs et dignité d´homme du défi et de la Révolution, dans l´espoir de décrocher un financement pour un projet écrit du temps de Messaâdia et qui est resté enfoui au fond du tiroir. Ma pensée va à ces cinéastes algériens, qui n´ont pas quitté l´Algérie, alors qu´ils se sentaient menacés, pendant que d´autres ont vite inventé une fausse menace pour obtenir une carte de résidence en France et se présenter comme un cinéaste exilé, menacé par le pouvoir et sa censure et par les islamistes et leur chariaâ. Ces cinéastes reviennent aujourd´hui pour prendre l´argent qu´ils n´ont pas pu prendre en 1990 et les cinéastes locaux qui n´ont pas saisi leur chance, se cachent aujourd´hui pour mieux mourir en silence...demain. [email protected]