La commission d'enquête parlementaire sur la hausse des prix de l'huile et du sucre et la pénurie d'autres produits de large consommation, notamment le lait et la farine, a remis hier son rapport final au président de l'Assemblée populaire nationale (APN). Fort de 200 pages, ce rapport a été voté, selon Kamel Rezgui, président de la commission, à l'unanimité par les 17 députés membres de cette commission et issus de différents partis politiques. Comme attendu, sans aucune surprise, la commission ôte toute arrière-pensée politique aux émeutes qui ont touché, au début de l'année, nombre de wilayas, dont la capitale. La commission n'impute la responsabilité de ce qui s'est passé, en janvier dernier, à aucune partie et n'accuse aucune personne en haut lieu. M. Rezgui estime que la malvie, le pouvoir d'achat dérisoire des citoyens, l'informel qui gangrène notre société, sans omettre le contexte caractérisé par les soulèvements chez nos voisins sont, entre autres, les raisons ayant poussé la population à se soulever au début de cette année. S'appuyant sur des enquêtes effectuées sur le terrain, le président de la commission se dit persuadé que «les citoyens sont sortis dans la rue de leur propre gré, et ce, pour crier leur ras-le bol de la hausse vertigineuse des prix de certains produits, notamment le lait, le sucre, l'huile et le blé, et attirer, par la même, l'attention des pouvoirs publics». Si l'on se réfère à ces résultats, la commission conforte, sans aucune once de doute, les thèses du pouvoir stipulant que l'Algérien s'est révolté non pas pour revendiquer des changements politiques et l'amélioration de son vécu, mais pour son tube digestif. M. Rezgui réfute, dit-il, ce raccourci et cette caricature négative qui réduit le citoyen algérien à un simple objet et réplique : «En 2008, le bidon d'huile avait atteint les 800 DA, mais la population n'a pas occupé la rue et n'a pas manifesté sa colère. En janvier dernier, le bidon d'huile n'avait même pas atteint ce prix (moins de 700 DA) et la population s'est révoltée. Pourquoi ?» «Les émeutes de janvier ne sont pas la résultante d'une provocation de tel ou tel parti, mais elle trouve son origine dans la pénurie de certains produits alimentaires. C'est la première fois qu'un travail d'une commission parlementaire aboutit à un résultat palpable. Nous avons fait un constat et nous avons rédigé des recommandations. La commission a été créée pour faire un travail précis et non pas pour régler des comptes à des personnes ou pour en blanchir d'autres», a fait remarquer M. Rezgui, estimant que la commission a fait appel à des experts et a écouté des ministres concernés de près par le sujet. «Dans le rapport, nous avons expliqué que la contrebande et la spéculation sur les produits de large consommation font ravage dans notre pays. L'Etat soutient ces produits de base, mais les contrebandiers et les spéculateurs profitent également de l'argent du Trésor public», note M. Rezgui. Celui-ci confirme que «l'Etat n'a pas les moyens d'assurer la traçabilité de ces produits et, de ce fait, il se retrouve à ne pas soutenir uniquement les produits de base mais aussi les produits secondaires, notamment la pâtisserie, les yaourts... Tout le monde profite du soutien de l'Etat, y compris les étrangers». La commission évoque un dysfonctionnement du marché, particulièrement à l'échelle de l'approvisionnement des unités et de la distribution. Indirectement, les rédacteurs du rapport pointent un doigt accusateur sur les commerçants de gros et les distributeurs et recommandent le soutien de la production et non pas de la consommation, et aussi l'installation, dans les plus brefs délais, d'un conseil national de la concurrence qui aurait pour mission de contrôler le marché. Rappelons que cette commission d'enquête a été décidée en avril dernier, soit trois mois après les émeutes de janvier.