Une ligne électrique de très haute tension (THT) de 220 000 volts est programmée pour traverser le territoire de la commune de Tinebdar (Sidi Aïch). Ce sont plus de 7000 habitants qu'abritent 14 villages parsemés sur une colline que devait surplomber un tronçon de cette ligne. Chapeauté par le gestionnaire des réseaux de transport de l'électricité (GRTE) de Sétif, ce projet initié dans le cadre du renforcement du réseau national, bien que des rumeurs font croire à un cadre euroméditerranéen pour le transport de l'énergie électrique, part d'El Kseur et devrait traverser entre autres localités de la wilaya Fénaïa-Ilmaten, Tifra, Sidi Aïch, Tibane, Ifri-Ouzellaguen, Akbou et Tazmalt, avant de finir dans la wilaya de Bouira. Mendjouna, Ahamoul, Sbouh, Souhane et Koubab sont les points de passage qui forment le tracé qui traverse Tinebdar. La relative proximité de la ligne avec des villages comme Irouflène, Tadoukent, Iguer Amar, Chebirdou ... et l'impact négatif que l'on appréhende, autant sur le plan de la santé que celui économique, comme l'évoquent les villageois, sont à conjuguer avec le caractère sacré de la terre dans ces contrées de la Kabylie. Toute construction dans le périmètre d'une ligne électrique est d'autant plus interdite que les propriétaires de terrain ne semblent pas disposés à se laisser expropriés en y voyant dans l'option un sérieux écueil pour l'extension du village vers ce côté nord qui donne sur la commune de Tifra, où l'on projette de construire pour les futures générations. Cela au moment où sur le plan de la santé publique on s'est appuyé sur une enquête occidentale qui a tenté de prouver l'existence de risques sur la santé humaine et animale dus à l'exposition aux champs magnétiques et électriques. Des experts ont tenté d'établir la relation de cause à effet entre l'existence de lignes électriques HT et THT et l'apparition de quelques maladies comme la leucémie chez l'enfant. Face à cela, des contre-exemples sont avancés sur l'absence d'atteinte de maladie chez les agents des entreprises de gaz et de l'électricité qui sont en permanence exposés aux champs électriques. Entre les uns et les autres, les réponses restent non tranchées. Au-delà de ces considérations, le mécontentement des villageois a couvé aussi sous le motif d'un vide procédural à travers l'absence de l'enquête commodo-incommodo, requise par les textes dans tout projet, et qui n'aurait pas été faite. Sur les ondes de la radio Soummam, un représentant de Sonelgaz, qui a expliqué l'importance économique du projet de cette ligne, a fait comprendre qu'un commissaire enquêteur a été désigné pour les besoins de l'enquête préalable au lancement du projet. L'enquête n'aurait tout simplement pas été faite. Du moins, aucune conclusion n'a été rendue publique. vide procédural Au niveau de la direction de Sonelgaz de Béjaïa, on ne veut pas « être affirmatif » sur le sujet. « Sinon sur quel base nous a-t-on délivré un permis de construire ? », devait nous répondre le responsable du service exploitation qui estime que l'entame des travaux a été précédée de ce document administratif, dont la délivrance, note-t-il, suppose l'existence préalable d'une enquête. « Elle n'a pas eu lieu. » La réponse du responsable du comité du village Birmatou est tranchante. Les protestataires, qui disent n'avoir été à aucun moment informés sur ce projet, n'ont pas caché leur étonnement de voir intervenir des engins sur leurs terrains. C'était au courant de l'année écoulée lorsque les premiers coups de bulldozer ont semé les premières graines de colère qui ont mené les propriétaires des terres à empêcher l'entreprise réalisatrice (Stagma Construction, une société égyptienne) de continuer ses travaux de pose de pylônes. Engageant plus les services de Sonelgaz que ceux des mines, ce projet qui est vraisemblablement à gros budget n'a pas manqué d'installer une ambiance électrique dans les villages. Il avait fait ainsi ses premières étincelles avant d'être mis en veilleuse le temps de pourvoir la commune en assemblée élue. « L'administration a été saisie par la commune, gérée alors par le secrétaire général, de la demande des propriétaires des terrains de surseoir aux travaux », susurrent des indiscrétions au fait des affaires communales. Quelques mois plus tard, la nouvelle APC hérite du dossier et la tension est encore là. Une première tentative pour relancer le projet a suffi pour le vérifier. Le premier jeudi de la nouvelle année, un rassemblement populaire a réuni, sous la coupe d'un collectif citoyen de Tinebdar dans lequel émargent les comités de villages, un grand monde à la place publique d'Ikhlidjen, au chef-lieu de la commune pour réitérer l'opposition de la population au projet. Un mouvement de protestation prend forme dictant des réunions administratives qui ont regroupé les représentants des comités de village, les propriétaires des terrains, les directeurs de Sonelgaz Béjaïa, de la direction des mines et de l'industrie, le maire et le chef de la daïra de Sidi Aïch. Pour le DMI, qui souligne le rôle d'arbitre de son administration, les appréhensions d'ordre sanitaire sont infondées. « Le projet a été approuvé par les autorités publiques qui ne peuvent tout de même pas fermer l'œil sur cet aspect-là ! », nous dit-il. « Le tracé de Sonelgaz n'est pas tout indiqué. Des solutions sont apportées au fur et à mesure et au cas par cas », explique-t-il encore en soulignant, en revanche, qu'il n'est pas évident « de dévier à chaque fois ». En décembre dernier, les propriétaires de terrain qui devaient être expropriés ont été invités à se présenter auprès de l'APC pour les formalités relatives aux indemnisations. « Au lendemain de mon installation à l'APC, j'ai reçu un avis d'affichage du géomètre expert invitant les propriétaires à discuter des indemnisations. Je n'étais pas au courant de la pétition d'opposition signée en septembre », nous a déclaré Tahar Rabei, président de l'APC de Tinebdar, comme pour faire la réplique aux élus du RCD qui l'ont accusé de « s'ériger en porte-parole de l'entreprise » et d'aller à contre-courant de la position des villageois. « Aussitôt informé de l'opposition des propriétaires de terrain, j'ai saisi le wali, Sonelgaz et la DMI. Je ne peux être que l'interprète de mes concitoyens », devait-il préciser après une réunion avec les comités de village. Selon lui, « des assurances ont été données pour réétudier le tracé au mieux des intérêts des citoyens ». « Pourvu qu'on l'éloigne de nous », persistent à dire des protestataires rappelant ainsi les épisodes des oppositions exprimées face aux projets d'implantation de décharges publiques indésirables dans plusieurs localités de la wilaya et qui, à ce jour, n'arrive pas à trouver place.