La chambre d'accusation a renvoyé le dossier autoroute Est-Ouest devant le tribunal criminel et annulé l'inculpation d'association de malfaiteurs contre les cinq sociétés étrangères poursuivies. Elle n'a prononcé aucun non-lieu, maintenant ainsi les poursuites contre les 18 prévenus, dont 5 relèvent du tribunal criminel. Finalement c'est très tard, mercredi dernier, que la chambre d'accusation près la cour d'Alger a rendu son arrêt concernant l'affaire autoroute Est-Ouest. Ainsi, elle a renvoyé le dossier devant le tribunal criminel en maintenant les poursuites contre les 18 prévenus cités dans le dossier, mais a annulé les charges d'«association de malfaiteurs» qu'elle a elle-même demandées contre les cinq sociétés étrangères citées, deux dans le cadre de l'autoroute et trois liées au transport public. Le dossier se trouve donc partagé en deux. La première partie relève du tribunal criminel et concerne Mejdoub Chani (homme d'affaires), les deux frères Addou Tadj Eddine et Sid Ahmed (un en détention préventive et l'autre en liberté provisoire), Salim Hamdane (ex-directeur des nouveaux projets au ministère des Transports) et Mohamed Khelladi (directeur des nouveaux projets au niveau de l'Agence nationale des autoroutes). Pour ce qui est des cinq sociétés étrangères poursuivies dans le cadre de cette affaire en tant que personnes morales, la chambre d'accusation a décidé d'octroyer le non-lieu pour le crime d'«association de malfaiteurs» qu'elle a elle-même recommandé au juge d'instruction lorsqu'elle a demandé un complément d'enquête. De ce fait, elle n'a retenu contre elles que les délits de «blanchiment d'argent, trafic d'influence et corruption». Ces sociétés sont la chinoise CRCC-Citic, la japonaise Cojaal, pour ce qui est des malversations dans la réalisation des tronçons de l'autoroute Est-Ouest, l'italienne Pizzarotti qui a obtenu le marché de construction du tramway à Constantine et la suisse Garaventa à laquelle les marchés du téléférique dans trois villes de l'Est ont été octroyés, ainsi que la française Alstom bénéficiaire des marchés du métro et du tramway. Les décisions de la chambre d'accusation rejoignent en majorité celles du juge d'instruction qui, après 22 mois d'investigations, a déposé ses conclusions, avant que le dossier ne lui revienne pour complément d'enquête. Néanmoins, le collectif de la défense conteste non seulement la qualification des faits, mais également la criminalisation de l'affaire. Une bonne partie des avocats compte introduire des pourvois en cassation auprès de la Cour suprême. Ce qui laisse croire que le dossier n'est pas près de connaître sa fin et que les 18 prévenus vont devoir patienter encore. Les avocats de ceux qui sont en détention ont déjà dénoncé le dépassement du délai de détention et déposé plainte auprès des autorités concernées pour leur mise en liberté immédiate. Plusieurs zones d'ombre Entourée de nombreuses zones d'ombre, cette affaire touche les proches collaborateurs de Ammar Ghoul, ministre des Travaux publics. Il s'agit de Belkacem Bouferrach, chef de son cabinet (toujours en poste) et Mohamed Bouchama, secrétaire général, tous deux placés sous contrôle judiciaire pour les délits aggravés de «trafic d'influence, corruption, perception indue de cadeaux et abus d'autorité». Mohamed Khelladi (en détention), le seul inculpé contre lequel une plainte a été déposée par le ministère des Travaux publics avec constitution de partie civile, est, quant à lui, poursuivi pour cinq chefs inculpation, à savoir «association de malfaiteurs, dilapidation de deniers publics, corruption, abus d'autorité et perception indue de cadeaux». Ces quatre dernières inculpations pèsent également sur le colonel Khaled (Mohamed Ouazzane), détaché du Département de renseignement et de sécurité (DRS) comme conseiller auprès du ministre de la Justice et maintenu sous contrôle judiciaire. Quatre chefs d'inculpation sont par ailleurs retenus contre Addou Tadj (en détention), l'intermédiaire, patron d'une unité de pêche, qui avait impliqué directement Amar Ghoul. Il s'agit d'«association de malfaiteurs, trafic d'influence, blanchiment d'argent et corruption». Bizarrement, Addou Sid Ahmed, son neveu, poursuivi pour les mêmes chefs d'inculpation, a bénéficié de la liberté provisoire lors de l'instruction, après une intervention de la Présidence. Les mêmes inculpations sont par ailleurs retenues contre Hallab Kheïr, un autre intermédiaire, et l'énigmatique Kouidri Tayeb, qui avait quitté le pays précipitamment dès l'arrestation de Chani, en septembre 2009, pour rejoindre la Suisse où il possède une résidence. De fortes sommes versées Dans le dossier lié au secteur du transport, selon l'instruction, d'importantes commissions auraient été versées en contrepartie d'informations sur les marchés à des sociétés étrangères dans le but de les privilégier par rapport d'autres éventuels soumissionnaires ; tout cet argent aurait transité par des comptes domiciliés en Espagne, Suisse, Italie et France, qui appartiendraient à l'épouse du prévenu Salim Hamdane, Ghrieb Fella (fille de l'ancien ambassadeur, député FLN et membre de l'Autorité de lutte contre la corruption), mais également à ses deux sœurs Ghrieb Radia et Widad. La tache noire du dossier reste cependant ces noms que le juge n'a pas entendus bien qu'ils aient été cités lors de l'enquête préliminaire. Il s'agit entre autres de Pierre Falcone, un trafiquant d'armes français, qui avait introduit les Chinois en Algérie avant que Chani ne reprenne le relais, ainsi que des ministres Abdelhamid Benachenhou et Mohamed Béjaoui. Mieux encore, le ministre lui-même avait été mis en cause par un des prévenus, mais le juge a mis longtemps pour se décider à l'entendre, non pas oralement, mais par écrit et sur insistance des avocats, alors qu'il est le premier responsable du secteur dont les deux plus proches collaborateurs inculpés sont poursuivis.