La guerre pour le leadership, notamment la course pour les postes de responsabilité, semble avoir commencé en Libye. Environ, 150 officiers et sous-officiers de l'ancienne armée libyenne, ralliés à la rébellion, se sont réunis jeudi à Al Baïda (200 km de Benghazi), pour approuver à l'unanimité la nomination du général Khalifa Haftar en qualité de chef d'état-major de la nouvelle armée libyenne en cours de formation.Sorti des rangs de l'académie militaire de Benghazi, puis formé dans l'ancienne Union soviétique, M. Haftar a fait défection après le conflit entre le Tchad et la Libye. Durant les années 1990, il a par la suite gagné les Etats-Unis, où il a vécu près de 20 ans. Khalifa Haftar (ou Hiftar) est rentré en Libye en mars dernier pour rejoindre les rangs des rebelles. Son séjour prolongé aux Etats-Unis a amené de nombreux observateurs à douter de lui ou à le présenter comme un agent de la CIA, surtout quand il vivait à Washington D. C., il n'avait pas de ressources financières. Selon un communiqué lu par le général Fraj Bounseira, chef du conseil militaire d'Al Baïda, les participants à ce conclave de militaires «se sont mis d'accord pour choisir le général de corps d'armée Khalifa Belgacem Haftar comme chef d'état-major de l'armée nationale libyenne, en raison de son ancienneté, son expérience et sa capacité à diriger ainsi que des efforts qu'il a déployés pour la révolution du 17 février». La nomination du général Haftar sera, ajoute-t-on, soumise au chef du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, pour qu'il l'approuve. En agissant ainsi, ce groupe de militaires tenait à prendre les devants avant une réunion officielle prévue aujourd'hui sur l'«armée nationale». Leur crainte est, en effet, de se voir «parachuter» un nouveau venu. D'où leur idée de prendre tout le monde de vitesse en choisissant leur «homme». D'ailleurs, les tensions se sont exacerbées ces derniers temps entre eux et le ministre sortant de la Défense, Jalal Al Degheili, sur ce dossier précis. Un autre fait mérite d'être signalé et qui montre à quel point les positions des uns et des autres au sein du CNT sont divergentes : lors de l'intronisation du général Haftar à la tête de la nouvelle armée libyenne, le général Souleimane Mahmoud (qui était un proche de Abdel Fattah Younès, le chef militaire de la rébellion, qui a été assassiné par des rebelles) a critiqué avec véhémence le Qatar qu'il a accusé de soutenir le courant islamiste en Libye et de chercher à «acheter» les Libyens. «Nous remercions le Qatar qui nous a aidés, mais il y a des limites (...). Je dis haut et fort que je ne respecte pas les méthodes du Qatar», a-t-il dit. «Le Qatar est le bienvenu dans le salon, mais il n'a pas à entrer dans la chambre à coucher», a de son côté dit à des journalistes le colonel Abdel Mottaleb Miled qui fait également partie du groupe qui a choisi comme «patron» le général Haftar. Au-delà, il y a effectivement tout lieu de s'attendre à ce que cette fortuite nomination approfondisse l'importante méfiance qui existe déjà entre les officiers de l'armée du régime d'El Gueddafi qui avaient fait défection pendant la guerre et les brigades de civils. La preuve : sitôt annoncée, des ex-combattants rebelles ont rejeté immédiat cette nomination et demandé à ne pas être marginalisés dans le prochain gouvernement. Rassemblés en ce qu'ils ont appelé l'«Union des thowar (révolutionnaires) de la Libye», des représentants de plusieurs factions armées ont ainsi exigé le report de la nomination d'un chef d'état-major jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement. Une formation qui doit intervenir aujourd'hui. A signaler que la désignation du général Haftar au poste de chef d'état-major de l'armée libyenne intervient aussi à un moment d'extrême tension marqué par un début de conflit armé entre des milices pro-CNT et la constitution dans le sud de la Libye d'une résistances qui, dit-on, obéirait aux ordre de Seïf El Islam, le fils du dictateur déchu.