80% des abus sexuels sont perpétrés dans le cadre familial. 50 000 cas de maltraitance par an. La non-conformité de la Convention internationale des droits de l'enfant avec les lois nationales dénoncée. Les constats d'échec en matière de protection de l'enfant se multiplient depuis quelques jours en Algérie, suscités par des cas de viols survenus récemment dans plusieurs villes du pays. Des cas de maltraitance grave, des agressions sexuelles qui provoquent l'émoi et l'inquiétude. La célébration, hier, du 22e anniversaire de l'adoption de la Convention internationale des droits des enfants par les Nations unies, le 20 novembre 1989, ratifiée par l'Algérie en 1992, sonne comme un malheureux rendez-vous qui rappelle les défaillances les plus horrifiantes de notre société. Quel bilan pour les enfants d'Algérie ? 10 000 agressions sexuelles ont été répertoriées durant l'année 2010, selon la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem). Un calcul rapide rend ce chiffre encore plus effarant : près de 850 cas par mois, plus de 27 par jour. Un enfant agressé sexuellement chaque heure. Un bilan encore plus pénible que celui dressé, il y a quelques jours, par le réseau algérien pour la défense des droits de l'enfant, Nada, qui estimait qu'ils étaient 7000 enfants maltraités sexuellement en 2010. Le pire est que ces enfants souffrent souvent en silence, étant donné que 80% de ces abus sont perpétrés dans le cadre familial. Le poids des tabous impose, dans ces cas, l'impunité. Les agressions sexuelles contre les enfants «deviennent un véritable phénomène de société», est-il noté dans le rapport. Ces agressions sexuelles s'inscrivent dans le cadre de toutes sortes d'autres maltraitances, qui s'élèvent à 50 000 par an. La responsabilité de l'Etat «De nombreux progrès ont été enregistrés, notamment en matière d'éducation, avec près de 100% des enfants de moins de 6 ans inscrits à l'école», rassure le bilan de la Forem en s'épanchant sur la situation globale de l'enfant algérien, non sans préciser que «15% d'entre eux finissent par quitter l'école avant la fin du cycle primaire». Le problème des enfants illégitimes a également était analysé pour, encore une fois, mettre le doigt sur la défaillance des pouvoirs publics : «Entre 3000 et 5000 enfants illégitimes font l'objet de traitement discret de la part des pouvoirs publics sans apporter de solutions à des situations dramatiques», note le rapport en évoquant la problématique de la kafala et l'allègement de ses procédures, ainsi que l'instauration de l'éducation morale et sexuelle comme mesures d'urgence. Le recours systématique à l'identification des géniteurs par l'ADN a également été mentionné pour permettre aux victimes de faire valoir leurs droits, tout en constituant un élément dissuasif à l'égard d'éventuels auteurs de tels actes. Autre problématique qui suscite l'inquiétude : le travail des enfants. Ils sont plus de 350 000 à avoir quitté les bancs de l'école pour assurer un travail permanent, souvent dans des conditions alarmantes. La liste du drame des enfants algériens est longue : 20 000 enfants à la rue, 15 000 devant les tribunaux, 18% de taux de malnutrition. Les efforts de l'Etat sur toutes les questions relatives à la protection de l'enfant sont donc «insuffisants ou mal orientés», préjugent les chercheurs de la Forem. Ils montrent d'ailleurs du doigt la non-conformité de la Convention internationale des droits de l'enfant avec les lois nationales et l'attente de la promulgation d'un code de l'enfance, resté en suspens. En attendant, un autre petit calcul affolant : 50 000 cas de maltraitance par an, plus de 4000 par mois, 140 par jour. Un enfant maltraité à chaque intervalle entre les cinq prières de la journée.