Il a chanté devant une tribune pleine de femmes, dans une société où il n'est pas facile de parler musique. Le chanteur est une idole en Afghanistan, notamment chez les femmes qui ont encore peu de droits, dix ans après la chute du régime ultrarigoriste des talibans qui avaient totalement interdit la musique. Une popularité palpable lors d'un récent concert réservé à la gent féminine donné par la star à Kaboul, même si les «fans» sont restées fort sages si l'on se réfère à n'importe quel événement similaire ailleurs dans le monde. Par crainte d'une attaque des insurgés talibans, ce concert était placé sous haute sécurité et l'assistance composée de plusieurs centaines de privilégiées ayant bénéficié d'invitations distribuées par des ONG et des administrations. En Afghanistan, il est indécent pour une femme de danser devant un homme. De l'étudiante à la mère de famille quadra ou quinquagénaire, les femmes ont dû se contenter de se balancer timidement sur leurs chaises en agitant les mains. Mais elles ne se sont pas privées de crier à pleins poumons, l'une d'elle risquant un «on t'aime !» qu'entendent à l'envi les rocks stars du monde entier, mais quasi subversif dans un pays où la sexualité féminine est un sujet totalement tabou, même à Kaboul, considérée comme la ville la plus libérale. Ce concert de Farhad Darya, ambassadeur de bonne volonté de l'ONU, visait surtout à attirer l'attention sur une campagne contre les violences faites aux femmes, dans le cadre de la Journée internationale du 25 novembre. Il a expliqué espérer que l'événement fasse prendre conscience que la vie des femmes afghanes ne se résume pas à «la burqa, la cuisine et les souffrances». Ses chansons, aux sonorités traditionnelles afghanes teintées de rock, sont d'ailleurs fortement empreintes de politique et d'appel à la paix. «Je suis la voix de mon pauvre peuple/Je suis un vieux rubab (sorte de luth) chantant des chansons tristes à mes amis», dit son titre Kabul Jaan (Kaboul bien-aimée) qui fut la première chanson diffusée à la radio afghane après le départ des talibans du pouvoir fin 2001. Si le chanteur s'est exilé en 1990 et vit désormais aux Etats-Unis, il passe une bonne partie de son temps en Afghanistan, malgré les risques et les menaces.L'an dernier, après l'un de ses concerts à Harat, la grande ville de l'ouest du pays, 13 fans ont été blessés à l'extérieur de la salle par une bombe. Elle a explosé près de la porte par laquelle il était censé sortir.