- Le rapport 2010 du Programme commun des Nations unies sur le VIH-sida a fait état de la stabilisation significative des séropositifs. Qu'en pensez-vous ? Quelle est la situation en Algérie ? Effectivement, des pays ont pu réduire, relativement, les taux d'infection par le VIH grâce à des programmes intensifs de prévention. Mais, il faut savoir que ces pays avaient une forte endémicité. L'exemple du Zimbabwe est édifiant. Ce pays a réussi à réduire de 7 à 1% les nouveaux cas en infléchissant la courbe de transmission, décès et nouveaux cas. Ce sont les pays qui ont mis en place des programmes puissants en termes de prévention. En Algérie, la situation est différente. Les chiffres officiels communiqués par le laboratoire national de référence de l'Institut Pasteur font état jusqu'au mois de septembre 2011, de 1234 cas et 5381 séropositifs. Mais ces chiffres sont très loin de la réalité. 1200 malades sont traités au niveau national, alors on peut facilement dire que le nombre de cas est encore plus élevé puisque le sida a tué 2500 personnes en Algérie depuis 1985. On dit que la situation n'est pas alarmante chez nous, mais cela ne justifie pas cette situation laxiste que nous vivons en termes d'action pour une meilleure prévention contre cette maladie grave. - La prévention reste l'unique moyen de réduire les nouveaux cas et améliorer la sensibilisation. Que doit-on faire ? D'abord, l'essentiel est de mettre en place des textes législatifs à travers un décret présidentiel, pour instituer une structure qui sera supraministérielle. Une structure pour laquelle des moyens humains et financiers seront mis à sa disposition à l'échelle nationale et sectorielle. Le Comité national de lutte contre le sida, placé sous tutelle du ministère de la Santé, ne s'est pas réuni depuis plusieurs années. Alors qu'entre-temps, la maladie avance et dépasse le ministère de tutelle. La lutte contre le sida nécessite une action interministérielle. Plusieurs secteurs doivent être impliqués afin de sensibiliser et mieux informer sur les dangers de cette maladie. Du côté du ministère de la Santé, des actions essentielles ont été menées, comme l'introduction des antirétroviraux depuis 1998, la protection mère-enfant, la sécurité transfusionnelle, mais beaucoup reste à faire. Des initiatives pour la sensibilisation et l'information sur le VIH-sida ont été initiées par certains ministères — la Justice, les Affaires religieuses, l'Intérieur, la Défense nationale —, mais certains sont encore à la traîne. La prévention doit être aussi une préoccupation de tous les secteurs, qu'ils soient privés ou publics. Il est clair que la prévention reste l'unique moyen de limiter le nombre de cas à court, moyen et long termes, notamment à travers les moyens de protection tel le préservatif. Il faut faire sa promotion en expliquant qu'il est le seul moyen de se protéger. Il faut qu'il soit accessible et disponible. Comme il est aussi important d'informer sur les drogues injectables, source de contamination, qui dont la consommation est actuellement en forte augmentation. - L'accès au traitement a permis de réduire la mortalité des personnes vivant avec le VIH. Combien sont-elles aujourd'hui à bénéficier de ces traitements ? C'est l'un des aspects positifs que nous avons enregistrés depuis 1998 et cela nous a permis de réduire le taux de mortalité qui était de 100%, à 7% aujourd'hui. L'introduction des médicaments et des réactifs gratuits dans les hôpitaux reste un acquis considérable. Nous nous félicitons de la récente inscription du sida sur la liste des maladies chroniques par la sécurité sociale, donnant droit à la gratuité pour des traitements pour les infections opportunistes pour les assurés sociaux. Il est important aujourd'hui d'intensifier des campagnes de sensibilisation et de dépistage pour que les séropositifs puissent bénéficier de traitement, c'est ce qui permettra de freiner la contamination, surtout que leur nombre exact est aujourd'hui inconnu. Les 5000 séropositifs recensés par le laboratoire de référence reste un chiffre insignifiant qui ne reflète pas la réalité. On peut multiplier par dix. Cette maladie ne doit plus constituer un tabou. Des efforts doivent être déployés par les médecins qui doivent se comporter comme si tous leurs malades étaient sidéens. C'est de cette manière que nous pouvons lutter contre toute discrimination dans l'accès aux soins. - Qu'en est-il de la prise en charge psychologique ? La prise en charge psychologique est très insuffisante dans les centres de référence pour ce qui est des malades atteints du sida qui sont en nombre de 6. Les rares psychologues affectés dans ces centres manquent de formation spécifique. Il ne faut pas oublier que le sida est une maladie lourde, car il faut commencer par l'accepter puis vivre avec. Les malades ne bénéficient donc pas d'un soutien psychologique adapté.