Mouloud Blidi n'a pas pris dans ses bras son petit Manil, 6 mois, depuis sa naissance. Manil, autour duquel s'est enclenchée une grande mobilisation sur facebook, est atteint du déficit immunitaire combiné sévère lié au chromosome X. Il s'agit d'une maladie héréditaire provoquée par la transmission d'un gène défectueux de la maman aux enfants de sexe masculin, les privant de toutes leurs capacités immunitaires. Son frère Zakaria est décédé à l'hôpital de Bab El Oued en janvier 2010 à l'âge de 7 mois après une longue hospitalisation, succombant à diverses infections provoquées par le diagnostic tardif de cette maladie. En Algérie, la greffe de la moelle osseuse pour les moins de 4 ans n'existe tout simplement pas et «le système de l'enseignement médical n'a pas prévu, depuis 1962, de former en hématologie pédiatrique». La prise en charge aussi est très lourde : environnement protégé et isolation complète. C'est ce que les parents de Manil tentent de réaliser chez eux avec grande peine, allant jusqu'à sortir sa soeur du préscolaire pour ne pas contaminer son frère. Ce qui empêche aussi le papa de le tenir dans ses bras. La seule chance de survie pour Manil reste une prise en charge à l'étranger : le parcours du combattant. Il faut d'abord passer par la Commission nationale médicale qui ne se réunit que les mercredis, «et qui a pris 40 jours pour rendre un avis favorable malgré le caractère d'urgence du cas de Manil, un retard quasi mortel», souligne le père. La prise en charge signée, le père contacta – à la demande de la Commission médicale nationale — des dizaines d'hôpitaux en France et en Belgique, qui ont refusé d'opérer Manil pour cause d'impayés de la Caisse nationale algérienne des assurés sociaux (CNAS) ! Cette dernière chercherait à débloquer la situation. C'est face à ce blocage que Mouloud Blidi a lancé la page sur facebook – qui a subi par deux fois une tentative de piratage ! — rassemblant les informations sur le cas de son fils, mais également sur la maladie et les incohérences de notre système de santé à travers ce cas dramatique. «Le déficit immunitaire peut atteindre des bébés ou des trentenaires ; la maladie a une prévalence de 70% dans le Maghreb à cause des mariages consanguins, et nous n'avons pas de centre de greffe de la moelle épinière ! Les Tunisiens et les Marocains ont créé ce genre de centre, pourquoi pas nous ?», explique le père de Manil, qui se demande aussi de quel droit des médicaments pour bébés sont retirés de la liste des importations au profit de médicaments de «bien-être» ! Un des objectifs de Mouloud Blidi et de l'élan de solidarité autour du cas de son fils est également de créer une association appelant à construire un centre de greffe de la moelle en lançant une grande campagne, à laquelle la radio Chaîne III est déjà associée. «Cela permettra par exemple d'économiser les frais de prise en charge à l'étranger, de l'ordre de 200 000 euros pour une seule opération», appuie-t-il. L'autre objectif est d'arriver à créer un fichier national des donneurs. «En Tunisie, sur les 15 millions d'habitants, on compte 120 000 donneurs», ajoute le père de Manil, qui pointe aussi l'absence de dépistage – obligatoire par exemple aux Etats-Unis pour toute femme en âge de procréer – et le manque de traçabilité de cette maladie immunitaire. «Sur l'acte de décès de mon fils Zakaria, le nom de la maladie n'était même pas mentionné !», conclut-il.