«J'ai vu une employée à la crèche punir un enfant en lui ordonnant d'aller au coin, de lever le pied et a demandé aux autres enfants de se moquer de lui» raconte une assistante maternelle. Des centaines d'enfants subissent en silence les conséquences, parfois désastreuses, dues à des incompétences au sein des crèches. Des parents se plaignent de la mauvaise prise en charge de leurs progénitures dans ces établissements mais pour beaucoup «la fonction de la crèche se résume au gardiennage ; ils y déposent leurs enfants pour aller travailler» explique une psychologue et enseignante à l'université de Béjaïa. Et d'ajouter : «Cependant, il faut joindre l'utile à l'agréable. Car un enfant à besoin de jouer, d'apprendre et de s'épanouir.» Ceci semble utopique quand les infrastructures de certains centres sont loin de répondre aux normes et leur personnel n'est guère qualifié. Pourtant, des critères spécifiques sont mentionnés dans le décret exécutif n° 08-287 du 17 septembre 2008, régissant les établissements et centre d'accueil de la petite enfance. A la direction de l'action sociale (DAS), on explique que des efforts sont fournis quotidiennement pour réglementer cette activité, notamment par des contrôles périodiques. Toutefois, «mes services n'ont le droit de contrôler que les crèches ayant une autorisation» fait remarquer le directeur de la DAS. «Les parents doivent se renseigner sur la régularité de l'établissement avant d'inscrire leurs enfants» enchaîne Belaïd, chef de service chargé des établissements spécialisés. La réalité du terrain contredit les chiffres de la DAS. Légalement, il n'y a aucune crèche à El Kseur alors que des sources de la région nous ont fait état de l'existence de deux établissements au moins. Même constat pour les villes d'Akbou et d'Amizour où, il n'y a qu'une seule crèche d'après la DAS. Or, de nombreuses autres y activent. Le phénomène est plus fréquent dans les communes rurales. Les gérants de ces centres trompent les parents à qui ils interdisent de pénétrer à l'intérieur des établissements, en exigeant des documents concernant les enfants inscrits. «Mon neveu rentre chaque soir affamé» La direction des registres de commerce, celle des impôts, la DAS ainsi que les services de sécurité doivent lutter ensemble contre les crèches travaillant au noir. La direction de contrôle des prix doit également vérifier les tarifications qu'appliquent ces établissements et qui sont souvent exorbitantes. Pis encore, même quelques crèches reconnues par les autorités ne se conforment pas à la loi. «Nous gardons une cinquantaine d'enfants dans un appartement de type F3 et les fenêtres sont souvent fermées» témoigne une assistante maternelle. Et de poursuivre : «Au moment de la sieste, un bébé de six mois dort dans mes bras parce qu'il n'y a pas de place pour lui.» Ces infractions ne sont pas un cas isolé. Les normes sont rarement respectées et les mesures de sécurité sont négligées. Du coup : les enfants sont mal surveillés et attrapent facilement des maladies contagieuses, sans parler des risques d'accidents qu'ils encourent. Les repas aussi ne sont pas toujours équilibrés. «Mon neveu rentre chaque soir affamé» raconte une parente. De plus, ces derniers font l'objet de violences physiques et morales. «Les enfants qui ne veulent pas faire la sieste et ceux qui sont turbulents sont violemment giflés par la directrice» atteste l'assistante maternelle. «J'ai vu une employée à la crèche punir un enfant en lui ordonnant d'aller au coin, de lever le pied et a demandé aux autres enfants de se moquer de lui» raconte une autre. Les gérants des crèches se font des fortunes au détriment du bien être des enfants. Ils préfèrent recruter un personnel sans niveau d'instruction car ça coûte moins cher. Et quand c'est la direction de l'emploi qui leur octroie des diplômés, ceux-ci sont marginalisés. «Les gérants des crèches n'ont besoin de nous (les psychologues, ndlr) que pour garder leurs autorisations et pour se faire une publicité auprès des parents. Nos avis ne sont jamais pris en compte» déclare une jeune psychologue. Les spécialistes insistent sur l'importance de l'intérêt que porte la qualification du personnel à la crèche. «Le personnel spécialisé est capable de protéger et aider l'enfant quand il est séparé de sa maman chaque matin. C'est aussi lui qui détecte en l'enfant certaines maladies, telles que la psychose et l'autisme infantiles ainsi que des difficultés dans l'apprentissage tel que le retard intellectuel» estiment des spécialistes.