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L'Algérie fait son cinéma
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Publié dans El Watan le 10 - 12 - 2011

Pour la première fois dans l'histoire du cinéma mondial, un film fiction va être réalisé sur un plateau de tournage grandeur nature de 2 381 741 km⊃2;. Des décors fabuleux sont plantés sur toute la superficie.
Les personnages de ce film ne sont ni des comédiens ni des figurants fictifs, mais sont des personnages réels qui interpréteront leurs propres rôles et en direct, une première. L'histoire est toute simple : Chronique d'un pays sans histoire. Pour la réalisation de ce gigantesque projet, un appel d'offres international a été lancé et enfin le choix a été fixé. Tout est prêt, le moteur est lancé, ça tourne. Une ambiance de quiétude et de bon-vivre règne partout, tout est paisible. Des marées humaines s'affairent avec enthousiasme à leurs occupations. Des responsables à tous les niveaux de l'Etat, déterminés et infatigables, sont sur tous les fronts à promouvoir et à impulser des projets dans tous les domaines de l'activité économique, sociale, politique, culturelle, sportive… Rien n'est laissé au hasard, tous les problèmes posés sont pris en charge et réglés aussitôt en collectif avec et les travailleurs et les syndicats.
Des chantiers et des projets, il y en a presque partout, et il ne passe pas un jour sans qu'on ne lance pas un nouveau et plus grandiose encore. Des délégations étrangères n'arrêtent pas de se succéder pour visiter le pays et ses réalisations. Des rencontres et des consultations internationales sont tenues en permanence : quorums, conférences, séminaires, foires, festivals culturels, cinématographiques et artistiques… Une dynamique sans précédent a entraîné tout le pays dans une progression sans cesse croissante. Les miracles accomplis ont fait soudainement d'Alger la capitale la plus visitée et la plus convoitée. Voilà en résumé l'histoire qu'on nous ressasse depuis plus de 8 mois et qu'on nous diffuse en boucle sans discontinuer à travers ce prétendu grand film qu'on nous impose en hommage aux réformes et progrès qui s'accomplissent. Malgré les nombreux trucages et les effets spéciaux qui ont été ajoutés, c'est du réchauffé, du déjà-vu, des images idylliques d'un pays paisible et prospère. C'est de l'affabulation et de l'arnaque qui ont coûté et qui coûtent encore très cher au pays pour un vulgaire film de propagande actuellement et toujours en tournage. En réalité, il n'y a vraiment pas de quoi jubiler, ces derniers temps, tout le pays est en proie aux illusions à force de promesses et d'engagements.
Dans quelle dimension les dirigeants de notre pays sont-ils connectés pour qu'on puisse à la limite «réinitialiser» notre façon de penser et de raisonner pour être au même diapason ? Dans cette dimension qui nous échappe, on innove beaucoup, et il n'y a que de l'inédit qui vous laisse pantois. Effectivement, nos dirigeants sont passés maîtres dans l'art de transposer les situations conflictuelles par d'autres situations créées de toutes pièces. Et si les réformes politiques promises ne sont plus celles qu'on attendait, c'est justement dans ce sens qu'on s'applique, comment remplacer El Hadj Moussa par Moussa El Hadj et ainsi de suite jusqu'à «étriper» les principales lois de l'essentiel. Les premiers résultats commencent à tomber. Comme il fallait s'y attendre, c'est une avancée à reculons, notre régime n'est pas encore prêt à procéder aux changements qu'il a lui-même promis ; il hésite, il tergiverse, il tourne autour du pot, il diffère les échéances… dans toute cette batterie de flottements, il est clair qu'il refuse de prendre le taureau par les cornes.
Pendant que nos sénateurs et nos députés s'adonnent au troc et à nous faire durer le suspense dans les deux Chambres et en attendant passivement et gentiment qu'ils décident ce qui est bon et mauvais pour nous (nous avons tout le temps) ailleurs, dans l'autre dimension, mais réelle celle-là, le monde, lui, est en train de tourner à la vitesse de la lumière. En l'espace de huit mois, des bouleversements sans précédent se sont opérés sous nos yeux : révoltes des pays arabes et maghrébins et changement de leurs régimes, crise économique et financière internationale et nouveaux gouvernements, révolte des indignés en Europe et aux Etats-Unis… et ce n'est pas encore fini.
Le monde tel qu'il est aujourd'hui est en train de changer inéluctablement (provoqué ou pas) aucun pays ne sera épargné, et si notre pays continue à faire son cinéma dans un semblant de changement et ne prend pas ses devants en jetant sans plus tarder les bases d'un véritable développement socio-économique et politico-culturel (seule garantie de stabilité et de souveraineté), on risque dans le court terme d'amoindrir cette chance que nous avons par rapport aux potentialités que recèle notre grand et très beau pays et dont la capacité de ses hommes et de ses femmes n'est plus à démontrer pour le dégager de cette dimension hors temps dans laquelle on l'a plongé depuis des décennies. Il ne s'agit pas de changer pour changer ou faire du suivisme, la situation internationale et plus particulièrement régionale et ses inconnues dont les contours politiques sont encore flous (que les puissances capitalistes sont en train de redessiner selon leurs convenances), exige au contraire de la prudence et de la vigilance à tous les niveaux de l'Etat et de la société, non pas pour se renfermer davantage sur nous-mêmes en continuant à gérer le pays comme dans le passé, mais plutôt avoir l'audace et le courage politique de rompre avec les formes et les pratiques d'un système désuet, vieillot et anti-populaire qui gangrènent toute la société et l'empêchent d'avancer, pire, l'exposer à toutes les incertitudes des lendemains.
Le cinéma demeure actuellement le seul grand absent des débats politiques dans le pays et plus particulièrement dans les deux hémicycles (Sénat et APN). La seule fois où on en a discuté, c'était dernièrement à l'APN et sur quoi : le problème des salles de cinéma. Sans vouloir sous-estimer ce problème qui est de taille, il semble par contre, comme le dit un dicton, qu'on a placé la charrue avant les bœufs, ce qui signifie en clair que les problèmes réels auxquels est confronté le secteur n'intéressent plus, et si c'est le cas, ce sera un autre précédent qui coûtera très cher au pays. Est-ce que le cinéma est devenu à ce point si encombrant qu'on veut le mettre aux oubliettes ? Ce n'est tout de même pas nous les cinéastes qui avions démantelé les structures de production, ce n'est pas non plus nous qui avions fermé le laboratoire et ce n'est pas non plus nous qui avions fermé les salles de cinéma ?…
Et j'en passe. Nous sommes, au contraire, victimes de la plus grande supercherie faite à notre encontre et en particulier le patrimoine cinématographique qu'on a sacrifié sur l'autel de la bêtise par les autorités de l'époque. A ce jour, depuis le siècle passé (les années 1990), aucune décision politique n'a été prise pour réparer cette grave erreur. Durant toutes ces années perdues, des pays (voisins et arabes) qui ne possédaient pas la moindre infrastructure cinématographique et qui sont moins nantis que notre pays, ont bâti carrément des industries : des studios, des laboratoires, des post-productions… Quant à nous, nous continuons à évoluer dans l'informel et à vadrouiller tels des SDF dans un environnement cinématographique où le minimum n'existe pratiquement plus : pas d'infrastructures, pas de bureaux, pas de chaises, pas de textes juridiques, pas de statut… la seule structure existante, c'est le CNCA (Centre national de la cinématographie et de l'audiovisuel) et encore son rôle n'est pas clairement défini, alors qu'il a été créé depuis 2004 pour compenser le vide administratif.
Dans cette situation de précarité qui perdure, cela n'arrange que les affaires, les privilèges et les passe-droits où seulement une minorité de cinéastes et de producteurs (aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays) qui bénéficie de tous les avantages, et ce n'est pas un hasard que toutes les productions réalisées par eux ont été menées à bien jusqu'à la phase finale (post-production, kinescopage(1) et projection dans les salles), avec toutes les conditions et les commodités réunies : financièrement, humainement, matériellement, techniquement et artistiquement, alors que ces mêmes conditions, nécessaires et indispensables pour la bonne réussite d'une œuvre cinématographique ne sont pas accordées à tous les professionnels. A titre d'exemple, le réalisateur Rachid Benallal des deux films La Dernière Solution et Un Bus nommé Désir, terminés il y a bien longtemps, attend toujours et avec angoisse qu'on daigne lui attribuer les moyens financiers nécessaires pour finaliser son travail de post-production et de kinescopage à l'étranger.
D'autres cas similaires des productions inachevées ou gelées pour des raisons x nous renseignent, entre autres, sur cette politique des deux poids, deux mesures et de l'état de déliquescence auquel est confronté le secteur dans le processus de production d'un film et dont la tutelle ne semble pas du tout s'inquiéter outre mesure. Voilà de manière générale où nous en sommes, un cinéma qui vague dans le laisser-aller et le laisser-faire dans l'indifférence totale. Si dans le passé notre pays n'avait pas connu son propre cinéma et développé les multiples compétences y afférentes, même si les résultats sont loin d'être satisfaisants par rapport aux progrès techniques et de réalisation, j'aurais attribué sa situation actuelle à sa jeunesse et son manque d'expérience, mais là, il y a comme une volonté délibérée de le solder au profit d'un cinéma ni performant ni compétitif, d'un cinéma assisté et complètement dépendant, d'un cinéma où il serait très difficile aux professionnels algériens de se frayer un chemin. Un jour, un collègue et ami, en plaisantant, m'a quand même surpris par cette phrase très lourde de sens : viendra le jour où l'Algérie achètera des films clés en main, si la situation actuelle du cinéma perdure.
Bien qu'il soit d'ordre juridique, financier, de moyens humains et techniques, de formation et de recyclage, le problème du cinéma algérien est avant tout un problème éminemment politique et ce n'est qu'une fois clarifié ce principe fondamental avec les instances politiques concernées, si oui ou non elles sont disposées à prendre le secteur dans toute sa dimension ? Sans quitus politique, la situation demeurera la même. Le cinéma algérien a été démantelé sur décision politique et il ne peut être «relégitimé» que sur une même décision. A ceux et celles qui doutent encore de la précarité de notre secteur et qui attendent béatement, sans rien entreprendre, son dénouement très prochainement dans le cadre des réformes qui traînent en longueur, risquent d'attendre encore longtemps, et d'ici là, les animaux auront acquis l'usage de la langue humaine.
En notre qualité de professionnels du cinéma et de la télévision, soyons clairs vis-à-vis de nous-mêmes et arrêtons de quémander ce qui est un droit, si le pouvoir politique ne s'assume pas ou fait dans le replâtrage culturel, cela n'explique pas pour autant cette léthargie et cet accommodement à rester dans l'expectative et à subir en silence cette situation. Sommes-nous l'exception des exceptions à vivre en reclus et à observer passivement et jalousement des pays qui hier ne possédaient même pas une chaîne de TV et qui aujourd'hui nous devancent ? Les professionnels où qu'ils soient, où qu'ils se trouvent, doivent se libérer de ce fatalisme et de cet enfermement sur soi en s'organisant en conséquence pour faire prévaloir leur droit et leur rôle dans la société. C'est plus qu'un devoir, c'est une dette à l'égard de l'Algérie d'aujourd'hui et de demain. Nous sommes extrêmement à la traîne. C'est aussi plus qu'un devoir que d'aider cette nouvelle génération de jeunes cinéastes qui, avec des moyens de tournage des plus dérisoires, ont fait preuve d'un grand talent et ils sont de plus en plus nombreux à se joindre à la famille du 7e art, et c'est sur eux qu'il faut compter pour la relève.
C'est dans notre capacité d'organisation et de notre détermination que dépendra l'issue de notre secteur. Il semblerait que les principales associations professionnelles (réalisateurs et producteurs), ont déjà commencé à se concerter pour éventuellement élaborer des propositions «de sortie de crise», et avant d'être soumises aux autorités concernées ou au ministère de tutelle, elles feront d'abord l'objet d'un débat général avec l'ensemble de la corporation. Pour rester au goût du jour, le meilleur hommage que peut rendre le ministère de la Culture, c'est d'inviter toute la corporation autour d'une table afin de connaître en toute transparence ce qui a été décidé en matière de lois sur le cinéma et de l'audiovisuel en général et de leur éventuelle application, si application il y aura. Avant tout, ne sommes-nous pas des partenaires ?
En dehors des passages euphoriques concernant certains aspects politiques du secteur que je ne partage pas, les dernières propositions techniques avancées par quelques collègues dans ce même quotidien, mériteraient que l'on s'y intéresse de près.(2)
S. Guenifi. Cinéaste
Notes de renvoi :
-(1) Traitement et transfert en laboratoire de la vidéo en film 35 mm pour les salles de cinéma.
-(2) Voir El Watan Idées-Débat des 13 et 16 novembre 2011


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