Cette fois-ci, c'est la bonne. Jacques Chirac a décidé d'abroger définitivement l'article controversé de la loi du 23 février qui reconnaît le « rôle positif » de la colonisation. Pour éviter toute division dans son propre camp, à l'origine de cette « loi de la honte », le président français a décidé de saisir le Conseil constitutionnel pour supprimer l'alinéa 2 de l'article. « L'article 4 suscite des interrogations et des incompréhensions. Il convient de les lever pour trouver les voies de la concorde. La nation doit se rassembler sur son histoire », expliquait l'Elysée. Le gouvernement pourrait abroger par décret l'article « déclassé » sans avoir recours à un nouveau projet de loi. Cela permet surtout au parti présidentiel de ne pas étaler ses états d'âme publiquement et aux députés de la droite de ne pas se dédire après avoir défendu bec et ongles pendant des mois l'article incriminé. Toute la classe politique, à l'exception, sans grande surprise, de l'extrême droite, a applaudi cette décision même si l'opposition de gauche et l'UDF ont déploré que l'Assemblée soit tenue à l'écart de la suppression de l'article. Le président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, chargé par Jacques Chirac, affirme que l'opération prendra environ trois semaines. C'était lui qui avait proposé à Jacques Chirac la suppression pure et simple de l'article. Il veut clore au plus vite le dossier et apaiser les relations entre la France et l'Algérie. « J'espère que le traité d'amitié entre la France et l'Algérie pourra être signé. La France est une puissance méditerranéenne. Si elle veut jouer un rôle, si elle veut avoir une influence, ce n'est certainement pas en se coupant des autres pays de la Méditerranée. Sans renier le passé -il est ce qu'il est-, nous devons entretenir avec l'Algérie des relations confiantes. On ne construit pas l'avenir en regardant sans arrêt vers le passé. Je souhaite qu'il y ait par ailleurs entre l'Assemblée algérienne et l'Assemblée nationale française des relations aussi cordiales et respectueuses que celles que nous entretenons avec la Chambre des députés de Tunisie et celle du Maroc », note-t-il. Même le rapporteur de la loi, le député UMP Christian Kert, joue la carte de l'apaisement. Selon lui, « la décision de Jacques Chirac paraît la solution la plus raisonnable pour apaiser une polémique dont l'ampleur dépassait, désormais, largement l'intention formelle du texte. » La gauche, très mobilisée contre l'article, se réjouit mais relève les incohérences du gouvernement. Pour Ségolène Royal, favorite des sondages pour représenter le PS à la présidentielle de 2007, « la correction d'une faute politique par un artifice réglementaire ne grandit pas un gouvernement périodiquement débordé par ses ultras. » Elle se réjouit cependant du retrait d'un article « qui prétendait donner force de loi à une lecture révisionniste de la colonisation et faisait insulte à tous ceux qui, dans l'Hexagone et tous les territoires d'outre-mer, secouèrent le joug colonial au nom de la liberté, de l'égalité et de la fraternité ». De leur côté, les historiens n'ont pas manqué de montrer leur satisfaction. En décembre dernier, 19 historiens de renom avaient réclamé l'abrogation de plusieurs articles de loi concernant des « événements du passé ». La pétition « Liberté pour l'histoire ! », lancée à cette occasion, a rassemblé, depuis, quelque 550 historiens et professeurs de l'enseignement supérieur. Credo : la loi n'a pas à écrire l'histoire.