Cette pièce théâtrale met sur les planches la vie de deux personnages vivant en marge de la société : Medien, l'amoureux, et Mechria, la belle. Le théâtre régional d'Oran, Abdelkader Alloula, a abrité, jeudi dernier Ness mechria, de la troupe de Tizi Ouzou et dont l'auteur n'est autre que Bouziane Benachour. Cette pièce, dont la mise en scène a été assurée par Lakhdar Mansouri, met en avant deux personnages, pour le moins atypiques, vivant en marge de la société, comme du reste ceux dont l'auteur d'El Hogra en a le secret. Pour s'approcher de la belle Mechria, le personnage de Medien, interprété par Mohamed Yabadri (stand-up, le projet) devra feindre la satiété. On le verra, canne à la main et lunettes noires, marcher en zigzaguant, et cela dans l'unique but de susciter une approche auprès de celle qui, en toute apparence, a conquis son cœur. Cette dernière, jouée par Hasnaoui Fatima- Zohra, a, à son actif, plusieurs amours passagères, et a déjà mis sens dessus- dessous le cœur de pleins d'hommes, tous épris d'elle. Ce faux aveugle vivra une véritable passion pour la belle Mechria, et bien que le caractère d'icelle ne soit en rien accommodant, cela n'y changera rien à l'affaire : l'amour qu'il lui voue dépasse toutes les bornes, et comme il le clame à un moment de la pièce «il l'aime plus qu'il ne s'aime lui-même». Effectivement, le tempérament de cette femme est rempli de complexités, et cela au grand dam de son amoureux, qui devra en subir les conséquences. Il s'agit d'une femme de caractère, qui a son mot dire, et cela n'en déplaise à la société bien pensante et conservatrice qui la taxe de sarcasmes les plus vils. Mais qu'importe, car cette femme n'a que faire de ces commentaires : elle vit sa vie comme bon lui semble et assume de facto toutes les conséquences. Même si, il faut le reconnaître, ce choix de vie fait drainer chez elle, une fois de temps en temps, des moments de vague à l'âme profond, où le chagrin y est persistant. Mais là encore, elle s'assume et reste toujours debout et digne. Scène mémorable dans la pièce : lorsqu'à un moment, sans tambour ni trompette, Mechria se met à hurler pour extirper, du fin fond de ses tripes, toute la colère enfouie en elle. Pareillement à sa ruse, le personnage de Medien se verra tituber dans cet amour fou et impossible. Mais qu'à cela ne tienne, il continuera à l'aimer malgré tout et à ne pas perdre espoir, comme il le dira d'ailleurs dans la réplique finale, celle clôturant la pièce : «Elli yasbor khir mali yakta lyèss» (Celui qui sait patienter est mieux que celui perd tout espoir). Cela nous fait d'ailleurs penser à Nadjadja, cette belle chanson de Georges Moustaki : «Nadjadja, en russe, ça veut dire espérance, mais en amour, c'est peut-être souffrance ; Nadajdja, en russe, ça veut dire espérance, en amour, ça veut dire patience !»