Les places financières européennes n'arrivent toujours pas à sortir du climat morose régnant sur l'ensemble de la zone euro. Les Bourses, qui étaient de nouveau en baisse hier, demeurent extrêmement sensibles au moindre développement relatif à la crise engendrée par la dette souveraine des Etats, mais aussi et surtout aux différentes «pressions» exercées par les agences de notation. En effet, la note de 15 pays de la zone euro a été mise, il y a quelques jours, sous surveillance négative par Standard & Poor's, une des trois principales sociétés de notation financière avec Moody's et Fitch Ratings. Les conséquences ne se sont pas fait attendre, puisque le doute et l'inquiétude se sont rapidement installés au sein des marchés financiers, des investisseurs, voire de certains secteurs de l'économie réelle où un début de ralentissement et d'ores et déjà ressenti. L'influence des avis émis par ces agences est-il si important au point de «semer la panique», comme l'observent beaucoup d'analystes ? Certainement oui, notent les analystes. Son influence est telle que l'ensemble des intervenants sur le marché financier européen ne négligent, aujourd'hui, aucune opinion ou appréciation faites par ces acteurs incontournables de la finance et de l'économie en général. D'autant que la notation financière constitue, pour les investisseurs, un critère-clé dans l'estimation du risque qu'un investissement comporte. Il faut préciser cependant que la notation, dont le plus haut niveau est le triple A (AAA), est une appréciation faite essentiellement du risque de solvabilité financière d'une entreprise ou d'un Etat (notation souveraine). Elle peut également concerner une opération d'emprunt, d'emprunt obligataire ou de titrisation. Si en Europe, l'appréciation des agences de notation est systématiquement donnée en référence par les entreprises ou par les gouvernements, soumis légalement à ce genre d'évaluation, en Algérie, la notation financière ne revêt aucun caractère obligatoire. Selon M'hamed Hamidouche, économiste auprès de la Banque mondiale, «nous ne connaissons pas ce type de notation parce que, tout simplement, la réglementation régissant les opérations d'emprunt ou d'emprunt obligataire lancées par les entreprises ne prévoit pas et n'oblige pas une évaluation notée du risque financier devant être élaborée par agence de notation». L'évaluation est ainsi laissée à l'appréciation des opérateurs. A l'échelle étatique, contrairement au Maroc ou à la Tunisie qui se sont vu attribuer une note par l'agence Standard & Poor's l'année passée, l'Algérie n'était pas concernée parce qu'elle n'en a pas fait la demande, mais surtout «parce que la loi sur la monnaie et le crédit ne permet pas au Trésor d'aller sur les places financières internationales pour lever des fonds et, si levée de fonds il y a, celle-ci doit se faire pour les résidents, c'est-à-dire, en dinars», explique encore M. Hamidouche. Pour l'heure, la manne pétrolière et les réserves de changes dont dispose l'Algérie la mettent à l'abri de tout besoin financier. Aussi, nous explique de son côté Ahmed Benbitour, «le remboursement anticipé de la dette algérienne a renforcé la solvabilité financière du pays et ne devrait pas faire l'objet de notation, du moment que les agences de notation jugent, principalement, la capacité de l'Etat à rembourser ses créanciers». Reste à savoir si le critère de bonne santé financière et de niveau d'endettement suffit, à lui seul, à déterminer la note accordée par une agence de notation. Selon l'économiste Hamidouche, bien que l'avis émis par une agence de notation s'appuie principalement sur ces deux derniers critères, d'autres indications entrent dans le travail d'évaluation des agences, en ce sens que ces dernières «font une évaluation d'ordre macroéconomique et passent en revue tous les aspects budgétaires de l'Etat», sa politique monétaire, sa finance publique et l'ensemble des mesures qui financent l'économie. Sur ce point, il n'est pas certain qu'une éventuelle notation accorde à l'Algérie le fameux triple «A» signifiant «haute qualité» puisque la politique monétaire nationale est souvent critiquée et son efficacité ne fait pas l'unanimité parmi les experts algériens.