Andalousie, mon amour, premier long métrage de Mohamed Nadif, est une comédie qui évoque des sujets très sérieux avec un humour soigné. Oran De notre envoyé spécial Le cinquième Festival d'Oran du film arabe (FOFA) est entré, vendredi 16 décembre, dans le vif du sujet avec une comédie tonique du Marocain Mohamed Nadif. Andalousie, mon amour a été projeté à la salle Saâda devant un public nombreux. Habituellement, les festivals tournent le dos aux comédies. A Oran, on a voulu faire autrement en sélectionnant le premier long métrage de Mohamed Nadif pour la compétition officielle 2011. Au dernier Festival de Marrakech, Andalousie, mon amour a été présenté au public dans la section «Coup de cœur». Un choix important puisque cela permet au film d'être visible. Mohamed Nadif nous a appris que sa comédie sera sur tous les écrans du Maroc à partir du 11 janvier 2012. Les mécanismes de la distribution du film arabe n'étant pas encore au point, Andalousie, mon amour ne sera projeté, ailleurs, au Maghreb et au Moyen-Orient que plus tard. La projection d'Oran est la deuxième après Marrakech. Le public du FOFA n'est pas resté insensible devant cette comédie dans laquelle l'Algérien Hicham Mesbah interprète le rôle d'un harrag algérois. L'histoire, justement, évoque le drame des harraga, ces jeunes qui laissent une partie de leur existence, abandonnent leur terre natale, pour chercher le rêve ailleurs, en Europe. Mais, au lieu de traiter le sujet d'une manière linéaire et ennuyeuse comme l'a fait Merzak Allouache, Mohamed Nadif, un enfant du théâtre, a abordé ce drame avec finesse, rire plutôt que pleurer ! Amine (Ali Esmili) et Saïd (Youssef Britel), deux étudiants casablancais, veulent «griller» la mer pour rejoindre les côtes espagnoles. D'autres jeunes de leur âge le font presque chaque jour au Maghreb où «l'union du désespoir» a plus de fidèles ! Saïd et Amine arrivent dans un village du nord du Maroc, où ils sont interpellés par un gendarme. Ils lui disent qu'ils sont des étudiants en archéologie et qu'ils sont venus chercher des «trésors» enfouis sous terre. Le village adhère pour un temps à ce petit mensonge. L'imam, qui s'avère être un escroc en alliance avec le maire (Mehdi ouazzani), dit aux villageois que leur sous-sol contient de l'or ! L'instituteur, qui revend de l'herbe pour joindre les deux bouts, «manipule» Saïd et Amine pour leur soutirer de l'argent et les envoyer dans une barque sur les flots de la Méditerranée. Finalement, Saïd se retrouve sur une plage au milieu d'autres migrants qui ont bâti «une base» de vie pour traiter le kif. En fait, Saïd n'a jamais quitté le territoire marocain ! Le maire, son épouse et l'imam gèrent un petit trafic, protégés par de «hautes autorités sécuritaires». La corruption a toujours besoin d'un parapluie ! Ceux qui profitent des drames humains ne reculent devant rien. C'est connu. Mohamed Nadif les montre sous un autre visage, décortique leur double langage et tente d'expliquer comment le crime s'organise et vit à l'ombre de l'impunité. L'autorité politique, représentée par le maire, et l'autorité morale, symbolisée par l'imam, font parfois cause commune pour mieux «dompter» la société et neutraliser les aspirations à la liberté (la mise aux arrêts répétitive de l'instituteur le suggère amplement). Le film est léger et rythmé, servi par la musique méditerranéenne de Younès Megri. «Vous avez abandonné la terre et ramené la musique», a ironisé un migrant déçu. L'instituteur a, lui, déjà réglé le problème : il faut «hispaniser» le Maroc. «Au lieu d'aller en Andalousie, l'Andalousie vient à nous ! Les Marocains d'origine morisque doivent réclamer leurs droits». Ce n'est pas uniquement absurde, c'est une réflexion acide sur l'esprit de défaite qui ronge les sociétés arabo-musulmanes et sur la nostalgie des temps anciens. Certains pleurent encore la chute de Grenade, Gharnatta, et de Séville, Ichbilia. «Le jardin perdu est en nous», a lancé Mohamed Nadif, lors du débat qui a suivi la projection. Le cinéaste n'a pas apprécié que sa comédie, qualifiée de «propre» par les milieux conservateurs marocains, soit opposée à un autre film. «Lorsqu'on se rencontre, on dit entre Maghrébins qu'il faut travailler ensemble, coproduire, mais, finalement, les projets ne sont pas concrétisés. Faire participer un comédien algérien dans mon film est une manière de mettre en pratique ces idées», a-t-il dit. Mohamed Nadif a fait également appel à l'ingénieur du son tunisien, Faouzi Thabet, pour son film.