Rues entières, chaussées et trottoirs sont illégalement accaparés par une engeance irréductible de marchands. Manifestement ragaillardis par les événements de janvier dernier, les marchands informels font main basse sur des pans entiers d'espaces censés relever de la propriété publique. C'est dans les grandes agglomérations surtout que l'on assiste à un déploiement impressionnant de commerces : vente de bibelots, articles vestimentaires, friperie, fruits, légumes, etc. Les rues et les trottoirs étouffent sous la densité d'un attirail encombrant d'étals de fortunes, de charrettes, de cageots et d'entassement d'ordures et de déchets agricoles. Se frayer pédestrement un bout de chemin au milieu de ces bazars à ciel ouvert est déjà une entreprise éprouvante. Quant aux automobilistes, ils n'ont qu'à prendre leur mal en patience, car dans le meilleur des cas, ils risquent d'être pris de longs quarts d'heure dans l'engrenage des embouteillages. Les plus impatients ou ceux qui osent se rebiffer contre «l'ordre établi», ils encourent souvent des vertes et des pas mûres de la part des squatteurs que rien ne semble effaroucher, pas même la présence timide et intermittente des agents de l'ordre, beaucoup plus préoccupés par la régulation de la circulation routière que par le souci de déloger les indus occupants. A la faveur des soulèvements populaires du début de l'année, le phénomène de la prolifération sauvage du commerce informel et son corollaire, le squat délibéré des rues et chaussées, s'est aggravé considérablement. La complicité inavouée des pouvoirs publics La plupart des commentaires et des analyses se rejoignent sur le fait que «les pouvoirs publics ont, par stratégie, pris du recul vis-à-vis de cette problématique pour s'assurer la paix sociale et éviter d'envenimer la situation». Baker et Ali, deux marchands ambulants de fruits et légumes, assurent n'encourir plus le risque de voir leurs étals saisis et n'être plus verbalisés. A ce propos, ils affirment: «Désormais, nous ne vadrouillons plus d'un quartier à un autre pour écouler notre marchandise. Nous nous sommes même débrouillés pour mettre la main, à l'instar d'autres, sur deux petits carrés dans la rue commerçante.» C'est le même son de cloche chez Aziez, un revendeur de légumes de longue date, qui confirme: «Les policiers ne nous embêtent plus comme par le passé. Ils se contentent tout au plus de sommer quelques uns de dégager la voie devant le passage des véhicules.» De là à dire que l'éradication des activités commerciales informelles n'est pas à l'ordre du jour des autorités compétentes, il n'y a qu'un pas à franchir.